samedi 22 décembre 2012

Faceback

Le lait de la tendresse humaine. J'ai rarement trouvé un titre de film aussi beau. Et si je ne me rappelle pas de tout, je sais qu'à l'évocation de ces mots je peux ressentir le poids que peut être une maternité et qu'il y a des sanglots qu'on étrangle.

Si l'amour d'une mère est inconditionnel (il l'est?), il n'est pas sans faille. Il n'est pas sans mal non plus. Fait d'une histoire qui précède l'enfant, cet amour peut-être compliqué et tortueux ou clair et franc. Ou pas tout à fait ni l'un ni l'autre.

Montrer ce qu'on veut, cacher ce qu'on peut. Souvent quand on parle de maternité il est rare de pouvoir parler vrai.

Alors bien sûr que la maternité c'est merveilleux. Bien sûr que cela vous change une femme (ça c'est même une certitude) et que nos enfants sont des sources inépuisables de bonheurs, d'anecdotes, d'aventures et de moments plutôt mystérieux mais intenses. Ils sont créatifs, drôles, uniques. Alors sur Facebook on écrit "in love de ma poupette" ou "39°8, merci chérie pour ce day-off @ work". Mais dans la vraie vie on pense parfois une chose et son contraire. Nos statuts devraient plutôt ressembler à "p*** elle me gave avec son champ de pâquerettes dans l'oreille à rien écouter" ou "p*** encore malade et bien sûr c'est pas le père qui va prendre sur ses heures pour la garder".

Être mère c'est un état de fait qui vient à vous par la mise au monde d'un être vivant et le choix de faire partie de sa vie, de construire les bases qui le conduiront à prendre la route sans vous un jour. Même choisir de ne pas être mère en confiant à d'autres son enfant est un premier acte maternel très fort. Être mère ça s'apprend sur le tas, même aimer son enfant ça s'apprend. Je ne suis pas une grande adepte de la théorie de Badinter sur l'inexistence de l'instinct maternel mais il faut reconnaître qu'être mère n'a rien d'une évidence. Et qu'être mère n'a rien à y voir avec le fait d'être une bonne mère.

Être mère c'est être remplie d'ambivalences qui n'ont de cesse de vous poursuivre, de vous faire demander si vous faites bien, comment font les autres. Être mère c'est porter un poids terrible, celui de la culpabilité parce que, quoi qu'on en dise, si votre enfant ne rentre pas dans la norme ce sera toujours vers vous que les regards se porteront en premier.

Alors on met ce costume magnifique - et jamais tout à fait bien coupé - de la super maman épanouie qui certes assume de ne pas être parfaite (ça fait même plutôt bien) mais qui tout de même s'en sort et ne déborde pas. Jamais. Au grand jamais.

Une bonne mère ne crie pas sur ses enfants. Une bonne mère ne hurle pas. Une bonne mère ne met pas de fessée à ses enfants. Une bonne mère n'a jamais envie d'être ailleurs. Une bonne mère ne pleure pas. Une bonne mère ne ressent ni colère, ni fatigue, ni agressivité. Une bonne mère est une maman robot, au sourire figé et aux phrases toutes faites (je laisse également la possibilité qu'elle s'oublie complètement ou qu'elle soit sous Xanax ou les deux à la fois).

Parce qu'il est difficile, honteux même, de dire, de reconnaître ces sentiments terribles qui peuvent vous traverser. Une certaine violence, une certaine peur aussi. Cette crainte d'être comme sa propre mère ou de ne pas être à sa hauteur. Et parfois une lassitude terrible et le doute, sans cesse, le doute. Et ce qui rend plus que tout ces sentiments inacceptables ce n'est pas le risque d'un passage à l'acte, non, c'est le regard de l'autre. Cette peur d'être jugée et de ne pas réussir. Jugée sur une confusion - très humaine - dans nos sentiments.

C'est un fait, on en fait des choses qu'on ne devrait pas. Des choses qu'on sait inadéquates "mais voilà"... parce qu'il est 17h et que le père n'est pas là (toute mère qui se respecte sait ce que 17h veut réellement dire - les pleurs du bébé, les demandes de l'aînée, le retour de l'école, le rush du repas, du bain, les demandes croisées des enfants et ce père qui ne rentre - toujours - pas!) ... parce que parfois malgré ce désir profond d'avoir des enfants on se prend à regretter cette époque où on fumait un bon p'tit joint les pieds sur la table du salon et que manger à 22h était la chose la plus normale du monde... parce qu'on se tape le cul à faire de leur enfance une période magique remplie de souvenirs qui sentent bon le sucre d'orge et de licornes qui pètent des fleurs et qu'ils n'hésitent pas à vous dire "tu es méchante  et tu m'as fait mal"... parce que parfois on a juste "pas envie". Et on aimerait leur dire "tu me fais chier" mais que la valeur éducative de cette assertion étant plutôt pauvre, on ravale, sec. Pourtant ô combien on le pense.

Être mère c'est boire la coupe jusqu' à la lie (si cette vision fait trop tragique faut le voir comme le métier qui rentre).

J'aime mes filles et je bosse pour faire au mieux. Toutefois il m'arrive de me dire que je ne vaux pas grand chose comme mère, de me demander si mes tempêtes intérieures ne vont pas les bousiller à tout jamais et je me sens mal tellement je ne suis pas la mère que j'aimerais être. Quelle mère? Suis-je vraiment cette mère là?

Dans ces moments là ce qui me fait le plus grand bien, ce qui me rassure le plus ce n'est pas de savoir que mes filles sont géniales (ça je le sais) ni que ça finira par passer. Non, ce qui me fait du bien c'est de partager avec d'autres mères, aussi nulles que moi. Alors je relativise, je comprends, j'assume, je me sens moins seule. Il y aura toujours des mères pour nier l'évidence - être au-dessus de leurs sentiments - mais je me méfie de celles là, parce que si elles ne sont pas capables de ressentir leur colère, je ne les pense pas capables de ressentir l'amour non plus.

Mon elfe et ma grenouille mettent parfois beaucoup du leur à me rendre dingue. Quand il s'agit de choisir la tenue de ma fille de 3 ans 1/2 ça ressemble un peu à la collision entre deux planètes (sons et lumières inclus). Et pourtant il ne s'agit que du choix de la robe. Faut voir quand on parle éducation et limites. C'est qu'elle est têtue la gamine. Moi aussi. Je peux pas lui en vouloir. Je peux même l'aimer terriblement rien que pour ça. Mais merde, il y a des jours où 20 minutes pour mettre une manche de veste, en combattant une armée de Petits Poneys c'est juste trop. Et là je réalise que j'en ai deux de filles, pas de doute cette fois je suis foutue.

Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour mais oui, il y a des choses qui demandent d'être parents pour être comprises - et pour se permettre un commentaire. Jamais plus jamais juger une mère, seule avec son enfant, dans le tram, un jour de canicule, qui lâche un peu de pression. Jamais. 

4 commentaires:

  1. Oh, que je t'entends et que je te comprends. Tu as la chance d'avoir commencer à 29-30(?) et non à 21 en ton couple tiens encore ce qui aide même si le père rentre tard. Au moins tu as l'air d'être en phase avec tes sentiments. Faire le même exercise avec les enfants "hérités" et méfiants de surcroîts et un homme imprégner de culpabilité, je peux te dire que cela ajoute des couches de problèmes et des sentiments de solitudes. Et personne en sorte vraiment indemne. Par la suite, trouver le chemin de se pardonner, de chercher un lieu d'entente releve du miracle. Mais comme la saison, je perds jamais de l'espoir.
    Et je t'admire beaucoup dans ta "mèr(d)etitude et ta franchise. Chapeau, et bis repetita.
    Lee, ta belle doche.

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    1. Je crois que c'est encore différent quand il s'agit des enfants des autres. C'est à mon avis une autre gamme de sentiments comme de responsabilités. Néanmoins je pense qu'aujour'hui les parents se posent plus de questions qu'avant et que faire les enfants plus tard change sans doute la maturité avec laquelle on les élèvent. Je ne sais pas si se poser plus de questions est une bonne chose mais je suis persuadée que reconnaître qu'on en a est une excellente chose... Bises

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  2. Je croyais avoir publié un comment mais une petite main trop curieuse a du s'en mêler...
    BREF j'aime tes "freshes" à chaque fois mais celui là résonne tout particulièrement dans mes oreilles, mon âme et mon cœur de mère perpétuellement débutante...
    Depuis, d'ailleurs j'ose à nouveau me balader dans le quartier, ils ont planqués les alphabets en bois chez Enfantillages et la gelée royale derrière une vitrine à la pharmacie...

    prochaine virée quand tu veux !

    Julie

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    1. C'est drôle mais j'ai reçu pas mal de message de mères - soulagées - après celui-ci... Nous ne sommes pas seules!!!

      Trêve de plaisanterie, si ça peut te rassurer je souris quand je repense à cette matinée "catastrophe". J'ai admiré ton calme et ton courage et je t'ai trouvée terriblement normale... si si. Je suis prête moi aussi à remettre ça et je propose de passer au level 2 en prenant Lola cette fois et par temps de neige. On a peur de rien nous les mères!

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