samedi 17 mars 2018

Mon mari

Il y a 594 jours j’ai épousé un mec. Maintenant je lui donne du mon mari mais c’est toujours mon mec en fait. Au milieu de ma rhino-pharyngite, quelques heures avant de sauter le pas, je lui avais écrit une petite bafouille. Chevrotante d’émotion et de Retsina je lui ai finalement bredouillé tout ça devant témoins. C’était un fort beau jour pour le faire. Un beau jour pour dire je t’aime au mec qui m’a épousée en me donnant pour première qualité l’intégrité. 

Cet aprèm, entre deux rédactions pour le boulot, je suis retombée sur mon draft. Ceux des funérailles de mes grands-parents aussi. Mais ça c’est une autre histoire pour un autre jour. Bref. J’ai eu envie de relire un peu d’amour. C’est un moment agréablement quelconque pour le faire. Et le 1er juillet 2016 ça donnait ça...

«...Je le fais ce discours. Pas trop sûre de moi ni de ce que tu vas en penser. Est-ce que c’est déjà trop pour toi? Est-ce que tu l’attendais? C’est un peu comme notre histoire. On tente le coup, jamais de certitudes et puis on voit quoi.

Quand on a dû mettre en quelques mots, pour la commune, tout ce qui nous faisait, on a ri comme des cons. C’est rassurant de savoir qu’on n’y est pas vraiment arrivé. Nous ne sommes pas réduits à des anecdotes. Nous sommes une anecdote sans fin. Mais ça m’a fait du bien de me souvenir de ce qui nous a construits pendant 17 ans. Et ça m’a fait marrer de voir que nous n’étions pas d’accord - bon j’ai aussi un peu fait la gueule après, rien d’étonnant.

Elle est faite de ça cette histoire. On ne voit pas la même chose, on ne ressent pas la même chose mais dans l’ensemble ce truc qui fait “nous” tient la route. Tu ne réponds jamais ce que j’attends. Je refuse de te donner des évidences. On se rate tout le temps et c’est peut-être une façon de nous trouver.

Tu ne tolères pas ma folie mais tu vis avec et tu en retires parfois un certain plaisir. Tu n’acceptes pas tout ce que je suis et c’est bien comme ça. Je sais de toi que tu es solide et patient. Tu m’attends. Quand je m’égare, tu attends. Et quand je reviens, un peu perdue, tu es là, avec un sourire - même s’il est un peu narquois. Alors moi aussi je souris. Et je ressens un immense apaisement. Je pense souvent que tu ne me comprends pas, j’en suis même certaine. Et puis tu me surprends. Parce que “tu as compris”, “que tu sais”. Et là aussi c’est un apaisement. Savoir qu’il y a quelqu’un avec qui je peux être moi. Je m’en étonne toujours et je ne compte pas y remédier, c’est une surprise délicieuse à chaque fois.

Je ne te facilite pas la vie. Je te pousse toujours un peu plus loin que ta zone de confort. Je te pousse mais je ne te lâche pas. Tu le sais, hein? Je ne te laisse pas te contenter. J’exige mieux, je veux de la précision et de la justesse dans les mots. Alors on gueule fort, parce qu’on est d’accord mais pas sur la façon de le dire.

On gueule c’est sûr. Je gueule c’est sûr. Et puis je chiale et je fais du bruit. De ton côté c’est le silence assourdissant - et profondement agaçant. C’est parfois difficile, même quand on aime, d’accepter l’autre pour ce qu’il est et de le respecter. Que dire? Après tout, c’est en se disputant qu’on a scellé notre histoire. 

En 17 ans on a traversé pas mal de trucs, certains étaient bien, d’autres vraiment pourris. Je ne crois pas que le pire soit derrière ou devant. Mais avec le temps, je me dis qu’on peut la contre – et que très sûrement on a cette volonté de le faire ensemble. Nos différences nous enrichissent, nos oppositions nous font grandir. Et nos ressemblances nous font aller de l’avant. Nous sommes parfois un paradoxe qui nous fatigue mais très certainement nous évite l’ennui.

Au milieu de cette histoire on a réussi à faire des filles magnifiques. Je ne te raconte pas, tu sais. Quand je les vois tourner autour de toi j’ai envie de chialer d’amour. Je ne le dis pas souvent mais t’es vraiment un bon père.

Lacan disait qu’on ne sait pas nommer ce qui fait que l’on aime l’autre. Alors bon on dira à la grosse louche que t’es pas mon meilleur ami, que t’es beau comme un Coeur, que t’as les yeux qui rient et des bras costauds, que t’es l’homme de ma vie. Et tu me fais rire - ça personne ne va le croire. Il y a toujours eu des rires. Je ris dans l’intimité avec toi comme je ne ris avec personne. J’ai ri avec toi à la maternité. J’ai ri pendant nos voyages. J’ai même ri par-dessus un cercueil. Je ris sous cape avec toi au milieu de la foule quand, sans te regarder, je sais ce que tu penses. Je ris parfois de toi, même quand tu ne ris pas, parce que je sais que tu vas en rire plus tard. Et je suppose que demain on rira de ce mariage.

Ce discours n’a pas de fin, comme notre histoire... ».

Embrasse moi idiot, c’est beaucoup mieux que des mots.