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samedi 22 décembre 2018

Espérance

- Two can keep a secret if one of them is dead -

Dans la boîte aux secrets il y en a de lourds à porter. On les garde loin, profondément enfouis en espérant qu’ils deviennent même des secrets pour nous. Ils sont douloureux. Ils nous envahissent. Ils creusent parfois le sillon de ce que nous sommes. S’en défaire peut être impossible sans perdre une partie de soi.

Il y a des secrets qui sont de petits enfers personnels. Ni méchants ni vilains, on s’empêtre pourtant dedans. Ils vous collent aux doigts, dans la tête. Parfois ils nous font honte. Ceux-là sont faits de la curiosité qui a tué le chat.

Il y a des secrets que l’on ne veut pas s’avouer. Les mains sur les yeux et le cœur cadenassé. Ceux-là sont faits de nos hésitations et de nos choix, parfois inconséquents. Ils sont faits de serments absolus ou non tenus.

Il y a des secrets doux comme le miel et piquants à la fois. Ils ont le goût de lèvres chaudes. Ils ont le goût de l’envie avec une pointe d’interdit. Ils vous réveillent avant l’aube et vous font vibrer le corps.

Il y a des secrets que l’on berce plus tendrement que d’autres. Plaisirs coupables ou idiots, que l’on peut goûter à loisir. Ils sont faits de regards détournés et de sourires narquois, qui ne sont destinés qu’à nous mêmes.

Il y a les secrets que l’on garde, encore un peu, pour laisser aux enfants le temps de grandir. Ces secrets-là sont faits de regards complices, de rires étouffés entre les doigts et se transmettent avec tendresse.

J’aime à croire que chacun est libre de garder sa boîte bien précieusement. Mais, si pour ma part je venais à l’entrouvrir, je tâcherai de ne rien oublier au fond.

dimanche 13 août 2017

Summer vibes #1 "qui perd gagne"

Donc les enfants sont revenues de leurs vacances et les nôtres ont pris fin.

En bref,

* mes filles ne m'ont pas manqué une seconde (c'est un gros mensonge)
Mais...
* dans 1/2 heure ce ne sera plus un mensonge.
* on n'a plus 20 ans et j'en ai pris 10 dans la gueule à vouloir l'oublier.
Mais...
* j'ai pleinement savouré de retrouver des souvenirs enfouis
Parce que...
* il y a des choses qui deviennent meilleures avec le temps
Et que...
* lâcher prise c'est chouette
Sauf que...
* avoir un matelas pour amortir la chute c'est mieux
* autre chose que de l'alcool dans le frigo peut s'avérer utile
* dormir est un bien nécessaire à ne pas négliger
Et si...
* choisir la voie du milieu c'est une philosophie, encore faut-il ne pas se prendre les murs (voir point suivant)
* l'alcool c'est mal
Du coup...
* parfois sur le fil du rasoir on dit des trucs qu'il ne faudrait pas
Mais aussi...
* parfois sur le fil du rasoir on se dit des trucs vraiment chouettes
* parfois on fait des trucs vraiment marrants
Et alors ton mec te dit...
* lundi c'est régime sec (sec comme le rhum, j'y crois)

Re-bref...
* j'avais des drafts pour 3 articles, je n'ai pondu qu'une liste (oufti, avec peine en plus)
Mais parfois...
* j'emmerde mes projets à la con et mes bonnes résolutions.

jeudi 26 mai 2016

B-I-N-G-O

 Je cours et je n'ai pas le temps. Je cours parce que je veux bien faire. Parce que tu m'as demandé un service et que j'ai dit oui. Parce que tu m'as proposé et que j'ai dit oui. Parce que je dois, je n'ai pas le choix. Parce que je veux, j'ai envie. Mais je ne te rappelle pas. Je ne réponds pas à ton message. J'oublie de t'écrire comme promis. Je pense à toi, tout le temps. Mais jamais je ne te le dis. Je cours, je cours et je n'ai pas le temps. Je veux répondre à tout et tout le monde. Mais je n'ai pas le temps. Et je me sens mal. J'ai mal au ventre. Je m'en veux. Je culpabilise. Je prends sur moi de ne pas prendre le temps.

Mais voilà.

Parfois j'ai envie de ne rien faire. Et si par hasard c'était ton tour dans la file d'attente des amis à ne pas décevoir, tu vas être déçu. Alors j'ai mal au ventre, encore. Ma vie est un immense calendrier dont je coche les cases frénétiquement. Et je suis fatiguée. Je te l'ai dit, je pense à toi mais ça non plus je ne prends pas le temps de te le dire. Et quand j'ai 5 minutes pour moi, ce ne sont pas 5 minutes pour toi. Parfois, pendant ce temps là, je gobe des mouches en regardant l'herbe qui pousse.

Je te dirais bien que c'est parce que j'ai des enfants mais je ne voudrais pas que tu croies que c'est un poids ou un problème pour moi. Je ne voudrais pas que tu croies que mes enfants sont un rempart d'excuses. Parce que s'il y a bien un temps que je ne sacrifie pas, c'est celui-là.

Alors bon, on dira juste que c'est comme ça.

Si par hasard dans le Bingo des bons moments on arrive à croiser notre ligne du temps, on ne le perdra pas à s'excuser de tout ça. On sera là, ici et maintenant. N'est-ce pas?

mardi 20 octobre 2015

Despicable me

Parfois on rencontre un cheval de Troie.

Celui qui est à l'intérieur sans qu'on l'ait invité ou parce qu'on a été assez curieux pour le laisser entrer.

Il faut savoir reconnaître son cheval de Troie. Et puis se demander.

Je fais quoi?
Pourquoi ce cheval là?

Se demander ce qui peut nous faire si peur chez l'autre et chez soi. Se demander si finalement on peut tenter la confiance. Avec le risque de perdre le pari. Et d'ériger des barrières toujours plus hautes. Parce que je ne sais toujours pas quand on peut dire que l'autre n'est plus un cheval de Troie mais simplement un autre.

Bref, j'en conclu que moi, je suis comme Gru (une suite logique du Grinch side of life).

Et si je dis que je suis moche et méchante, fais moi plaisir, crois moi. Fais semblant de me croire. Fais moi plaisir, ne sois pas mon cheval de Troie.

Je ne le supporterais pas, je ne saurais pas quoi faire de moi.

vendredi 30 janvier 2015

L'histoire de Daa

Pour ma "soeur" qui m'a choisie et m'a reconnue dans ce qui fait toutes nos différences et ce qui nous unit.

Il y a quelques semaines je me rendue à une messe, veillée funèbre, à la mémoire de la grand-mère d'une amie. Elle m'avait invitée à rejoindre sa famille et ses proches pour prier et commémorer. Nous étions trois amies à nous y rendre ensemble. Il y avait beaucoup de monde.

Il y a eu de très beaux chants et de nombreuses interventions familiales et liturgiques. On nous a raconté l'histoire de Philomène dite Daa. C'était une femme de caractère. C'était une belle femme. Ouverte et généreuse, elle a élevé ses enfants et les enfants de ses enfants. Elle les a portés sur le dos, sous la chaleur, au marché. Elle a chanté pour eux, elle les a bercés. Elle a su les guider. Elle a partagé son foyer avec d'autres femmes. Elle était croyante, une fervente servante de Dieu. Elle était humble mais l'hommage qui lui a été rendu était vibrant et la peine à son départ est intense, immense. Dans un dernier souffle ses mots ont traversé les océans qui la séparaient de ces enfants devenus grands.

Après, on a bu des jus de fruits et du café. On a mangé des beignets salés et sucrés. On a dit bonjour un nombre incalculable de fois, serré des mains, baisé des joues et on a ri.

Est-ce que mon histoire serait différente si je dis que mon amie est togolaise? Que dans les veines de Daa coulait aussi du sang danois? Que je ne suis pas croyante, que j'étais accompagnée d'une belge de confession musulmane et d'une amie que je ne pourrais - même si je le voulais - faire entrer dans une case. Est-ce que l'émotion serait amoindrie si je dis que je ne connaissais pas Philomène, mamy, Daa, la belle femme à la forte croyance et au grand coeur? 

Ça n'a pas d'importance, pour moi. L'amitié n'a ni couleur, ni frontière, ni foi. N'en déplaise aux heures sombres. Belle Daa, merci à toi.


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Daa

samedi 12 juillet 2014

Bourgeois Bohème

Il y a des gens qui adorent me coller des étiquettes. Je ne sais pas pourquoi (en fait si mais bon). Disons qu'il y a des gens qui aiment les étiquettes parce que ça les rassurent de se moquer des autres pour se donner une contenance face aux vides de leurs choix. Ce n'est pas grave, ça arrive à tout le monde, d'en donner et d'en recevoir. 

Les miennes?
Ces derniers temps celle de gauchiste est plutôt en vogue. Je ris un peu parce qu'à force de fréquenter des gauchistes (des vrais hein!) je me dis que je suis plutôt la droite modérée de l'extrême gauche. Ça non plus ce n'est pas grave, je n'ai pas 40 ans et je peux encore faire d'autres choix (toujours plus à gauche bien sûr). 

Parfois je reçois celle d'écolo. Ça c'est sans doute les sandales avec les chaussettes et la thérapie par les huiles essentielles.

Mais à vrai dire celle que je préfère c'est celle de bobo. Là je sens que parfois ça tient de l'insulte mais qui ne fait pas mouche. Quitte à être le quelque chose de quelqu'un mieux vaut être le bobo que le con? Bien sûr interrogé par la bobo que je suis (supposée être), l'accusateur ne sait pas vraiment me définir (ni par l'accusation ni l'accusation elle-même). Va donc pour le terrible "bobo" et si je ne sais pas comment prendre le bourgeois, je peux me faire aisément à la bohème. Il y en a même pour m'envier (comme quoi).

Et sinon Solange te parle par ici pour en savoir plus. Et assumer en toute quiétude.

mercredi 18 juin 2014

The Grinch Side of Life

Je n'aime pas les gens heureux.
Les simplets du bonheur.
Ceux qui se réjouissent de tout, qui voient le bien partout, qui balaient le fond d'un geste de la main.
Les gens facilement heureux c'est l'abandon de l'esprit critique.
C'est le renoncement à l'effort.
Les gens contents sont ennuyeux, ils ne cherchent rien.
Les gens joyeux vous trouvent grognons.
Et par une (con)vergence dans la force des Bisounours, ils vous aiment, malgré tout.
Il n'y a pas d'échappatoire au bonheur.


dimanche 18 mai 2014

Bac à sable

"Par la vie, pour la vie" - Ovide Decroly

Chère toi,

reine des bacs à sable, reine de la classe, reine des amitiés qui se font et se défont. Je t'ai croisée hier et je n'ai rien eu à te dire. Il m'est revenu que tu en étais perplexe, troublée ou perdue. Très certainement surprise. Il y aura bientôt vingt ans qu'on ne partage plus les bancs de l'école. Tu as été  de mes bacs à sable de maternelle, de mes primaires et de mes secondaires. En ta présence je me sentais rejetée, manipulée, utilisée, ignorée. Peut-être qu'au milieu de tout ça tu me trouvais sympa, un peu quand même, j'aime encore à le croire. Peut-être n'avais-tu pas conscience que tu étais une méchante fille. Une de celle qui décide si on fait partie ou non du groupe et si on est quelqu'un de bien. A cet âge les enfants pensent encore que leur valeur est celle qu'on leur accorde. Alors moi et nombre d'entre autres on s'est sentit un peu nuls. Un peu à côté de la plaque, pas dans les standards. Parce que les standards tu les dictais bien sûr. Tu avais certainement tes raisons. Peut-être que tu n'étais pas heureuse en famille ou que quelqu'un t'a fait du mal. Peut-être. Mais il y a beaucoup d'enfants qui n'ont pas eu la part facile, comme moi, et qui n'en étaient pas pour autant des meneuses, destructrices de confiance en soi. C'était peut-être aussi ce qui te manquait ou que tu jalousais et nous en priver te rassurait? C'est ce que nos mères nous racontaient en tout cas pour nous consoler de tes vexations quotidiennes. Hier on s'est revues pour la troisième fois en 16 ans. Tu ne te  rappelles pas de la première fois - tiens pourquoi n'en suis-je pas étonnée. La deuxième fois je t'ai trouvée ridicule mais je me suis trouvée tout aussi ridicule d'avoir été blessée pendant toutes ces années. Je t'ai vue et tu m'as fait pitié. Tu étais profondément ordinaire. Je ne t'aurais pas connue auparavant que tu n'aurais pas attiré mon attention. Tu es de ces personnes avec qui je ne sympathiserais pas aujourd'hui, peut-être même que je n'aimerais pas. Et puis hier soir on s'est revues pour la troisième fois. Et je n'ai pas été au-delà du bonsoir de politesse. Je ne me suis même pas embarrassée d'un au revoir. Tu as cru que je te faisais la gueule. Pas même. Comme tu peux être encore si égocentrique après toutes ces années. Toi, toujours toi. Je ne me suis simplement pas embarrassée de feindre un intérêt que je n'ai pas. Et je n'avais pas envie de partager ma vie. Avec toi. Le temps a passé et j'ai changé. J'ai fait de merveilleuses rencontres qui n'ont pas manqué de me dire la fille formidable que j'étais et que je suis toujours. Des gens qui m'ont laissée être ce que je suis et qui m'ont aimée pour cette raison bien précise. Le temps m'a donné la valeur, ma valeur. Alors j'aurais pu te jeter au visage la longue liste des merdes que tu m'as faites et la toute aussi longue liste de mes réussites personnelles. Mais là encore j'ai mûri. Je n'ai rien à prouver ou à démontrer. Si tu veux me connaître il est un peu tard. Tu as eu 14 ans pour le faire. Je suis persuadée que si ces mots se frayent un chemin jusqu'à toi tu n'en comprendras pas grand chose. Sans doute en seras-tu choquée et, te connaissant, un peu flattée (ravie même de prendre ton air ingénu en l'évoquant avec tes amis autour d'un verre de vin - tu sais que j'ai raison).  Mais finalement même ce titre de reine de bac à sable ne résiste pas aux marées. Des années plus tard ton aura a disparu en emportant tout le mal que tu as pu faire. Il ne reste que toi. Et tu m'indiffères.

Si je prends le temps ce soir d'écrire ces quelques lignes c'est pour deux autres petites filles que je connais mieux que personne parce que je les ai mises au monde. Chaque jour je leur rappelle leur valeur et leur beauté. Je les accompagne dans leur épanouissement au monde. Je les encourage à s'ouvrir aux autres, à jouer, à rire, à se montrer tolérantes et à donner une chance à tous. J'ai retenu ma leçon. 

vendredi 17 janvier 2014

Malaise

Chers et chères Ministres,
Chers et chères concitoyens, concitoyennes,
Amis lecteurs,
Sombres inconnus,

Permettez que je prenne quelques lignes pour faire la donneuse de leçon, la travailleuse en colère et me payer le luxe d'une petite carte blanche toute personnelle. Je vais une fois de plus parler d'enfants, non des miens, mais ceux des autres. Peut-être le vôtre, celui d'une de vos connaissances, très certainement un enfant de notre société. Une société fort peu maternante et contenante. Serait-ce même poussif de dire une société maltraitante? Et si tel est le cas, nos politiques en sont les complices voire les responsables. Et font de moi une complice tout autant qu'eux en m'obligeant à exercer mon travail dans ces conditions.

Je l'aurais bien écrit sur le ton à Florence Forresti celui-ci (vous pensez bien que dans le social il y a matière à rire) mais parfois l'heure est grave. Et le cri désespéré.

Il m'arrive de lire les commentaires en dessous des articles de presse sur le net qui concernent mon secteur professionnel (je sais, c'est bête). Une fois la rage et la colère passées, je me sens terriblement triste de constater que ces commentaires stupides et parfois violents sont avant tout le reflet d'une méconnaissance complète du secteur de l'Aide à la Jeunesse et de ses arcanes. Difficile de jeter la pierre au quidam de service quand on peut se demander si la ministre en charge (celle-ci ou les précédentes à vrai dire) sait elle-même de quoi il s'agit. Un petit tour pour mourir moins bête?

Les Services d'Aide à la Jeunesse s'adressent aux nouveaux-nés, aux bébés, aux enfants, aux adolescents et à leurs parents, responsables premiers de ces chères petites têtes blondes, brunes, crépues, rasées, sales, pleines de poux ou fleurant bon les bonbons. Ces enfants et leurs familles traversent des difficultés plus ou moins graves voire sont en danger. Notre rôle est d'évaluer, orienter et coordonner l'aide vers les services ad-hoc. C'est une aide spécialisée ce qui signifie que cette intervention se fait lorsque les services de premières lignes ont échoué à répondre à ces drames du quotidien. Nous soutenons, encourageons, négocions cette aide parce que nous travaillons dans la collaboration. Point n'est question ici de forcer une aide dont les gens ne voudraient pas ou n'en comprendraient pas le sens. Il peut arriver qu'une situation de danger grave et imminent ne trouve pas d'issue favorable dans ce cadre. Le Tribunal de la Jeunesse et le SPJ peuvent alors prendre le relais à leur manière, par la contrainte, ce qui n'exclut en rien le dialogue. Cela peut être salutaire comme cela peut être un échec.

Pourquoi? Parce que le public, les gens, les familles ET les travailleurs sont humains. Aucun système n'est infaillible quand il touche à l'humain, notre nature est faite ainsi. Autrement dit les enfants battus peuvent être loyaux, les parents présentant des pathologies psychiatriques ne sont pas toujours dans la réalité du système qui les interpelle, que les priorités de la survie font parfois l'impasse sur l'éducation, le bon sens (mais pas le sens pratique) et entraînent ces personnes fragilisées vers des routes improbables à nos yeux. Il n'est jamais possible de prévoir les actes des uns et des autres. Nous pouvons anticiper mais cela reste de l'ordre de la supposition et de l'espoir. De l'ordre de la confiance aussi. Et dans la vraie vie il arrive qu'un enfant meurt à peine quelques heures après avoir été vu par son délégué. Et cela même quand toutes les procédures sont respectées et les dossiers à jour. Non, on ne peut pas retirer tous les enfants à leurs parents imparfaits au nom du principe de précaution. Et même si nous le pouvions, nous n'aurions pas les moyens de les prendre en charge (restons logiques à défaut d'être censés). Est-ce là la société que nous souhaitons? Un contrôle absolu de l'individu? Il faut accepter ce fait (ce n'est pas une idée mais une réalité): le risque zéro n'existe pas. Ce qui peut être changé ce sont les moyens octroyés aux services d'aide. De véritables aides comme des outils de travail, des équipes plus nombreuses, des places d'accueil, des réponses administratives moins lentes et pointilleuses, des remplacements. Pas en surnombre - nous ne sommes pas exigeants à ce point là - parce que notre aide n'a pas comme sens de colmater la brèche hémorragique. Enfin, ne devrait pas. Notre travail au quotidien dépasse très largement les compétences pour lesquelles nous prenons fonction. Nous courrons au delà de nos terres et suppléons au delà du suppléable.

Aujourd'hui les équipes sont fatiguées de travailler avec des sparadraps qui, vous vous en douterez, n'ont que peu d'effet sur l'hémorragie décrite plus haut. Elles sont fatiguées de travailler parfois sans aucune protection de loi ni de soi-même. Même en faisant l'impasse sur nos bobos personnels (burn out, turn over, remplacements qui n'arrivent jamais, ...) nous sommes parfois pris dans de ridicules questions pratico-pratiques. La réalité du terrain c'est bête à dire mais parfois c'est une imprimante pour vingt-cinq intervenants, pas de répondeur téléphonique, des difficultés pour obtenir un agenda, c'est le manque de feuilles pour écrire, le manque de papier dans les toilettes, c'est un ascenseur sur trois pour cinq étages. Ça et tout le reste. Les travailleurs sont eux-mêmes dans une situation précaire. Et malgré tout, mes collègues font un travail formidable, admirable et trouvent parfois des solutions inattendues mais des "solutions" parce qu'il n'est pas question de laisser tomber.

Vous aurez peut-être entendu parler de la grève de ce 17 janvier 2014. C'est une action un peu désorganisée dans son démarrage mais qui fait suite à l'intrusion (une nouvelle fois) dans notre monde de celui du judiciaire. Non pas que nous soyons au dessus des lois et si manquements il y a, ils doivent être mis en lumière. Ces irruptions ne sont sans doute pas nouvelles mais elles ont cette tendance à devenir de plus en plus récurrentes. Et elles laissent dans la bouche du travailleur un goût amer. Cette impression qu'une société décadente et démissionnaire se cherche un coupable et que ce coupable c'est nous. Ne pas nous donner les moyens de mettre en place des aides respectueuses, nous raboter le peu de moyens que l'on a encore et puis se tourner vers nous quand il faut s'assurer que nous ne sommes pas les responsables des actes des jeunes et des familles que nous suivons, c'est trop. Trop is te veel.

Aujourd'hui on expulse, on privatise, on rogne les budgets de l'enseignement, de la culture, des allocations familiales, du chômage, on stigmatise. Nous créons une précarisation financière, sociale et intellectuelle. C'est une politique globale de repli sur soi qui refuse d'assumer ses responsabilités et qui nous lâche. Faut-il le rabâcher encore et encore mais les enfants d'aujourd'hui seront les adultes demain. Hypothéquer leur futur c'est hypothéquer le notre. Faire l'économie sur le dos des parents serait tout autant une erreur qu'il convient de ne pas minimiser. Être un parent qui n'a rien à offrir ou à perdre c'est être un parent qui n'a rien à transmettre. L'humiliation, le rejet et l'enfermement ne sont pas des réponses à la souffrance.

On est pas sympas parce qu'on fait grève. On sanctionne notre public déjà fragilisé. Certes. Mais c'est un paradoxe qu'il va falloir assumer. Comment offrir une aide valable sans de véritables moyens pour la mettre en place? Respecter notre public c'est aussi se battre pour lui. Et pour nous. Et puis pour vous aussi. Nous partageons cette société. Si notre cause vous indiffère, pensez à vous-même alors. Demandez-vous qui s'occupe de vos moches, vos dingues, vos maltraités, vos délinquants en devenir, vos enfants abusés. Ceux que les politiques abandonnent chaque jour un peu plus. Et nous avec.

jeudi 14 novembre 2013

Ces gens là / Bonjour misère

Quand il arrive à mes parents de parler de mon travail, il arrive souvent qu'on leur dise: "quel travail difficile, quel courage!". Alors j'ai envie de répondre : "merci" (c'est mon métier, je suis payée pour). Quand il arrive à mes parents de parler de mon travail, il arrive souvent qu'on leur dise: "rien ne l'oblige à porter la misère du monde". Alors j'ai envie de répondre: "non, c'est vrai mais il faut bien que quelqu'un le fasse" (c'est mon métier, je suis - mal - payée pour). Et puis j'ajouterais bien que je ne le ferai pas toute ma vie non plus. Il ne faut pas se mentir, le social ça use.  

C'est vrai quoi, la misère du monde "c'est moche" comme dirait mon aînée. La misère a ça de certain, elle ne va pas en s'améliorant. Et la foi en l'être humain non plus. Si la misère a la noirceur d'un Ken Loach, elle n'en a pas sa poésie. Les gens pauvres, les gens malheureux, les gens maltraitants ne sont pas plus touchants que les autres. Ces gens là madame ils sont comme tout le monde, sauf qu'ils sont dans mon bureau. Ces gens là ne sentent pas bons, parfois même ils puent. Ces gens là ne comprennent rien à ce qu'on leur dit et n'en font qu'à leur tête, jusqu'au moment où il faudra briser leur coeur pour les aider. Ces gens là ne vous écoutent pas, ils savent. Ces gens là ont des tas de maladies et parfois c'est vraiment pénible de leur serrer la main. Ces gens là sont parfois bêtes, parfois tragiques et parfois pathétiques. C'est parfois difficile de démêler la misère sociale de la misère intellectuelle. Parfois ce n'est pas possible et c'est évident de pourquoi. 

Je ne suis pas indifférente, je me protège.

Quand les gens (les autres, dit fonctionnels) se demandent comment on peut faire ce métier, ce qui me vient à l'esprit c'est que je ne sais pas. Je me poserais plutôt la question de savoir comment font tant de gens pour tourner le dos à la misère et s'endormir paisiblement. Ce qui est sûr c'est qu'un travailleur social ça ne manque pas d'humour ni de second degré. Ça ne manque pas de recul non plus.

L'horreur (qui fait frissonner les bonnes gens) n'est pas toujours là où l'on imagine et sa gradation est surprenante. Se taire quand on a envie de hurler, avoir envie de partir en courant avec les bébés, de sauver les familles du système qui s'apprête à les broyer (et savoir que nous en sommes les premiers rouages), douter, être lassé par les situations qui se répètent, les familles qui se déchirent, les enfants placés, en faire trop ou pas assez et cette mauvaise foi crasse (est-ce vraiment ça?). Mentir, toujours mentir parce que les solutions existent mais qu'elles ne sont pas à disposition. Et puis parce que travailler avec l'être humain rend ce travail incertain du début à la fin. Ça s'appelle l'insécurité. Et à tout moment on peut être poursuivi pour ne pas avoir fait ce qu'il faut. Oui mais, on ne peut pas imposer aux gens de faire ce que l'on veut. Ça s'appelle le paradoxe de la collaboration. 

Alors non, je ne suis pas obligée de le faire ce métier. Et au-delà des considérations matérielles - gagner ha! sa vie - il faut bien que quelqu'un se préoccupe de ces gens là. Je peux arrêter demain et ils seront toujours là. Je peux continuer encore longtemps et il y aura tous ceux que je ne connaîtrai pas et que je n'aiderai pas. Je ne sauverai pas le monde mais est-ce pour ça que je ne dois pas y contribuer? Là maintenant, il y a ceux avec qui je travaille et si une de mes actions peut porter ses fruits alors je pourrai dormir un peu plus tranquille. Dans un monde égoïste. Moi.

jeudi 4 avril 2013

Vie de mère


© Chloé Bingen
...And when the sky drops all those feathers

And when the birds sing in the morning
I'll be a mama
I'll have a daughter
And I'll give her melodies
I'll give her melodies
And she'll be
My little bird

And then she'll fly
She'll fly...

Alela Diane - "Oh! My Mama"




Je connais une mère qui ne veut pas se séparer de son bébé même pour une heure.
Je connais une mère qui parfois se sent coupable d'avoir eu un deuxième enfant.
Je connais une mère qui va bientôt mettre au monde son deuxième enfant.
Je connais une mère qui parfois se réjouit de ne pas s'occuper de ses enfants.
Je connais une mère qui fait comme si rien n'avait changé.
Je connais une mère qui fait comme si tout était facile.
Je connais une mère qui sait que ce n'est pas vrai.
Je connais une mère qui aimerait que le père ne se prenne pas pour une mère.
Je connais une mère qui se dispute avec sa mère.
Je connais une mère qui se dispute avec sa fille.
Je connais une mère qui ne veut qu'un enfant.
Je connais une mère qui reconnaît parfois sa propre mère en elle.
Je connais une mère qui a peur d'être comme sa propre mère.
Je connais une mère qui fuit sa mère.
Je connais une mère qui ravale ses pleurs.
Je connais une mère qui court toujours.
Je connais une mère qui ne doute pas (ou peut-être?).
Je connais une mère qui se bat sur tous les fronts.
Je connais une mère qui fait de son mieux.
Je connais une mère en devenir.
Je connais une mère qui veut beaucoup d'enfants.
Je connais une mère qui pense qu'elle n'est pas une bonne mère.
Je connais une mère qui croit aux antidépresseurs et aux surgelés de chez Picard.
Je connais une mère qui en a marre (surtout des mères parfaites).
Je connais une mère qui rit.
Je connais une mère qui a sommeil.
Je connais une mère qui est lasse.
Je connais une mère qui jure (et pas toujours entre ses dents).
Je connais une mère qui chante.
Je connais une mère qui danse.
Je connais une mère qui ne croyait rien de ce qu'on lui disait avant d'être mère.
Je connais une mère qui recommence encore et encore.
Je connais une mère qui avait des principes.
Je connais une mère qui rêve.

Mais je ne connais pas une mère qui supporterait qu'on la juge sans savoir ce que c'est d'être une mère.

Et non, toutes ces mères ne sont pas moi, mais cela se pourrait.

dimanche 13 janvier 2013

Moi, pas lesbienne, pas mariée, 2 enfants. Et tout le monde s'en fout.

Si j'étais homo à Paris aujourd'hui, cette après-midi, j'aurais vraiment le moral dans les chaussettes. Tous ces gens "pas homophobes mais..." ... mais qui se mobilisent pour que surtout je n'aie pas accès au même droit que tous, ça me foutrait vraiment mal. Tant de haine déguisée au nom du bien pensant.

C'est pas que je sois de gauche ou particulièrement tolérante, c'est pas que les gays soient tous mes amis, c'est pas que je vive dans un monde imaginaire. C'est juste que franchement si je devais me geler les couilles que je n'ai pas un dimanche comme ça, je choisirais de me mobiliser pour une vraie raison. "Non au mariage pour tous". Allez dit, c'est quoi c'te cause.


© Brian Hudok
Et pourquoi t'es contre d'abord? Pas parce qu'ils sont homos tous ces homos mais un peu quand même hein! T'as rien contre eux mais quand même hein! Mais juste entre nous, comme ça, qu'est-ce que ça peut te foutre? En Belgique, ça fait dix ans que les couples de même sexe peuvent se marier et pour autant que je sache, ça n'a strictement rien changé à notre vie. Certainement beaucoup pour ces couples qui désiraient se marier mais à nos gentilles et tranquilles petites vies d'hétéros ça n'a rien changé. Et si ça se trouve, il y a même des gens qui ne sont pas au courant que c'est possible, c'est dire comme ce droit pour tous est simplement un droit pour tous, dans une société qui se veut égalitaire.

Et puis quoi avec cette PMA? Non pas pour les homos? "C'est pas la norme les homos...", "naturellement ils ne savent pas concevoir...". Oui c'est vrai, malgré tout l'enthousiasme du monde et des heures d'ébats amoureux, deux hommes ou deux femmes ne sauront jamais faire un enfant sans intervention extérieure. Alors pas de PMA pour eux? Et bien sûr on dit pas ça parce qu'on est homophobe hein! Non, il n'y a pas de mal (quand on est con, on est con). Je te dirais juste que si tu veux appliquer l'argument de type "nature" alors la PMA jette-la à la poubelle "pour tous" (un peu comme le mariage). Ben oui c'est vrai quoi, tous ces couples hétéro qui ne savent pas procréer par eux-mêmes, dans le fond, c'est la nature qui veut ça. Alors faut pas forcer la nature. Pas de mariage pour tous, pas de PMA pour tous, pas de bras, pas de chocolat. Faut être juste dans la vie. Ca c'est une vérité criante. Le mariage est une institution humaine, qui dès lors peut être modifiée tandis que la procréation est une fonction naturelle. Pas de bol pour les hétéros, c'est sur la PMA qu'il faudrait tirer à vue en premier...

Ou peut-être qu'il faut se dire que dans le fond tu défends pas vraiment tes droits quand tu vas manifester comme un con par -2° à Paris, parce que donner des droits à plus de gens ce n'est absolument pas te priver des tiens. Non non, il te faudra être honnête, quand tu vas manifester c'est quand même un peu parce que les homos ils te dérangent et que c'est l'occasion de le dire sans le dire vraiment. Dire que deux hommes qui couchent ensemble (ou deux femmes mais toujours un peu moins) ça te dérange. C'est sale, c'est pas comme toi... C'est sûr c'est pas comme toi, mais quand je te vois militant à la con, je me dis que les homos ont bien de la chance de pas être comme toi.

On va pas tomber dans le piège de définir les "bons homos" en comparaison aux "mauvais hétéros" (ceux qui divorcent ou qui maltraitent leurs enfants). Faut pas se définir par la négative. Il faut être fier de ce qu'on est. Et aux dernières nouvelles, les gays, lesbiennes, sont des hommes et des femmes tout comme nous, sauf, oui sauf, qu'ils n'ont pas le même objet d'amour (ou de désir) - ou justement si - que nous. Bref, on en revient toujours à ce qu'ils fabriquent dans leurs plumards. Mais ça suffit ce voyeurisme d'hétéro. Perso je n'aimerais pas que des gens passent autant de temps à se chiffonner le bulbe en se questionnant sur ce qu'il se passe sous ma couette.

Oui bien sûr, il y a des catégories à risques, des comportements plus à risques et patati et patata mais franchement si t'es là comme homo à demander le droit à te marier et te fourguer des mioches dans les pattes, c'est sans doute que t'es pas la drag queen de l'année et que malgré tout t'es un brin conformiste. Regarde moi, le mariage ça fait 13 ans que je m'en passe avec mon mec. Mais bon, c'est ça un droit pour tous, tu l'as et t'es pas obligé de l'utiliser.

Il est temps de te résoudre à cette vérité qui te semble si dure à avaler, les homos sont des êtres humains comme les autres, mis au monde par des hétéros, qui ont les mêmes désirs que les hétéros parce qu'ils grandissent dans une société d'hétéros. Tu ne remets pas les droits des noirs en question parce qu'ils sont noirs (je te rappelle que "noir" c'est juste une pigmentation différente de la tienne) alors pourquoi tu le ferais pour quelqu'un qui n'aime pas comme toi? A moins que dans le fond, t'aimes pas les noirs non plus. A moins que dans le fond ce soit la différence qui te fait peur. Et que dans ton ignorance tu préfères te draper dans les convenances.

Je conclus. Mariage pour tous, PMA pour tous. Parce qu'il n'y pas de demi-mesure possible puisqu'il n'existe pas de demi-hommes. Et parce que des familles homoparentales il y en a des milliers qui courent les rues et que de leur donner un réel statut ce serait rendre un fier service aux enfants, leur donner une existence légale, respectueuse de leur réalité. Ca n'empêche en rien de questionner, d'observer et d'accompagner ces familles. Mais ça franchement c'est pas neuf comme conclusion, c'était déjà celle que je posais comme étudiante dans mon mémoire de fin d'études en 2002. C'est dire comme - à mes yeux - cette manifestation est à la bourre.

Allez dit, rentre chez toi, tu me fais honte.

jeudi 20 décembre 2012

Apocalypse

Meeeerdeuh, demain c'est la fin du monde et je suis pas prête. Cette procrastination me tuera.


© Hergé "L'étoile mystérieuse"
Je n'ai pas eu le temps de refaire ma couleur (quitte à partir autant le faire avec classe), j'ai oublié de téléphoner au contrôle technique, je n'ai pas eu le temps de retrouver une jolie taille 38 (mais où l'ai-je donc rangée?), ma dernière petite folie shopping online n'a pas encore été livrée, je n'ai pas nettoyé mon frigo ni terminé de télécharger la saison 9 de Grey's anatomy et EN PLUS j'ai déjà fait mes achats de Noël - j'étais manifestement distraite ce jour là. Le point positif, le chat a son détartrage aujourd'hui, il sera donc à même de chasser avec l'haleine fraîche et les gencives clean dans le monde post apocalyptique. 

Mais que faire de ces dernières heures? Dilemme ô dilemme! 

Ne serait-ce pas l'occasion de partager tous ces sentiments trop longtemps contenus au nom du politiquement correct et de la paix des ménages? L'occasion de partager un flot de petites vérités toutes personnelles extrêmement soulageantes à dire et très certainement moins à recevoir. Pouvoir commenter certains statuts FB en toute franchise. Prendre une dernière fois le 95 et "mettre de l'ordre" dans le foutoir organisationnel que m'impose la STIB. Ca me démange. Trop. Tsssssss, trop de colère et pas de certitudes des bénéfices à le faire. Si la fin du monde n'a pas lieu, je serai condamnée à me rendre au boulot à pied. Pire, en voiture.

Ou alors... je pourrais en profiter pour avouer deux ou trois petits brols. Comme le fait qu'il m'est brièvement arrivé d'aimer un morceau de David Guetta (brièvement je le jure) ou que je suis une fan inconditionnelle de Vin Diesel? Ou manger d'une traite les restes de Saint Nicolas et puis tous les autres restes aussi parce que rien ne sert d'économiser aujourd'hui ce qui sera perdu demain. Bof pour les restes, en cas de non destruction de la planète je m'expose à une crise de foie fort pénible (et à un régime deux fois plus strict pour compenser ces excès).

Je pourrais aussi (enfin?) faire des projets fous puisque je sais désormais que je n'aurai pas à les honorer et que personne ne sera là pour me le reprocher. Genre tout claquer pour partir élever des chèvres dans le Larzac, me lancer dans trois carrières différentes où je brillerais de mille feux en assumant mon rôle de mère de l'année, faire un régime et m'y tenir vraiment, faire du sport. Risqué, le programme va être chargé dès le 22 décembre pour les 9 vies qu'il me faudra pour mettre en oeuvre le tout. Je suis trop paresseuse pour une fin du monde.

Je pourrais aussi - il est vrai - faire l'effort suprême et reconnaître que je suis une gentille fille, dire à ceux que j'aime que je les aime justement. Mais ça je peux aussi le faire tous les jours de l'année, avec ou sans fin du monde. Il me reste les grandes déclarations sur l'éternelle amitié, la profondeur de mes sentiments pour certains et certaines (qui l'ignoreraient encore parce qu'il m'est déjà arrivé - à mon grand désespoir - de le faire pour m'entraîner en vue du 21). Mais pourquoi s'encombrer de sentiments éternels pour 24h seulement?

Ah non je sais, je vais remercier nos amis les Mayas qui ont permis que nous nous amusions un peu durant cette année 2012 à l'heure où la politique en mode drama queen et le populisme occupent une trop grande place dans ce qu'il faut malgré tout appeler de l'information (à chier mais information quand même). Les remercier de nous faire oublier les politiques hypocrites de l'ONU, les sacrifices financiers que l'on nous demande de faire quand d'autres se vautrent dans leurs richesses, nous faire oublier qu'il y a un certain paradoxe à pleurer 20 enfants morts dans le Connecticut quand la politique américaine en tue des milliers dans le monde, nous faire oublier que pour des tas de gens c'est tous les jours un peu la fin du monde, nous faire oublier que le système nous asservit et que nous sommes les premiers à lui donner les outils pour le faire. Et parce qu'on se fout de Michèle Martin, de Gérard Depardieu, de Kate Middelton et que ce serait sympa de ne pas nous prendre pour plus con qu'on est (restons modestes, on est toujours le con d'un autre).

Bon, comme toutes ces prédictions ne semblent pas fiables à 100% (ce sera quand même la énième fin du monde), je fais tout de même mon linge. Parce que je ne suis pas sûre que mon mec apprécie l'excuse "apocalypse" quand il devra aller bosser en short en plein hiver. J'aurai bien l'occasion de participer à une autre fin du monde. 


vendredi 31 août 2012

I'm your man


©Paulette (t.3 le mariage de Paulette) - Wolinski - G. Pinchard
S'il y a bien quelque chose que j'entends souvent au sujet de l'homme qui partage ma vie, c'est que je dois me réjouir de l'avoir. Comme me disait ma grand-mère lorsque je l'ai rencontré "ne gâche pas tout cette fois!" (oui, ma grand-mère a le commentaire délicat). Et pour un peu il faudrait même que je sois reconnaissante de ce petit miracle quotidien qu'on appelle parfois l'égalité (ou presque) des rôles au sein de notre couple. Spécimen rare semble-t-il d'homme normal...

Pas d'emballement, des siècles, des milliers d'années d'homo habitus machistus n'ont pas brusquement sauté une génération pour faire de lui un homme à l'égal de la femme (héhé, permettez le clin d'oeil) mais il semble moins affecté que d'autres par certaines attentes propres au sexe fort (je "héhé" à nouveau). Pas de soupe (aux poireaux) qui l'attend sur le gaz au retour du boulot, pas de linge plié fleurant bon le frais (mais entassé ça sûrement), pas (souvent) de tenue de soubrette et surtout pas de "toi avant moi". Pas non plus d'homme maltraité durant l'écriture de cette réflexion ni avant ni après. Juste un homme et une femme partageant une tranche de vie.

Je n'ai pas envie de me livrer à une critique de la gent masculine que j'apprécie fort par ailleurs et surtout à sa juste valeur (héhé n°3). Mais je ne peux m'empêcher de lever le sourcil encore valide qui me reste à l'idée que mon compagnon de vie serait une perle rare (que je suis évidemment la seule à ne pas voir). Les esprits chagrins diront que je ne vois jamais que le verre à moitié vide mais moi je dirais plutôt que je ne veux pas passer mon temps à me réjouir de ce qui est normal. Monsieur sort les poubelles, fait les courses, le repas, s'occupe de sa fille, travaille à temps plein, fait certains des caprices de Madame et puis ce qu'il veut aussi. Madame fait le linge, gère les plannings divers, l'enfant, certains des caprices de Monsieur et puis je fais ce que je veux aussi. Je ne satisfais pas les moindres demandes, je ne suis pas dans une position où je fais tout pour garder L'HOMME auprès de moi. Je n'ai pas grand chose à prouver. Je ne pense pas que le charme "brut" soit suffisant mais je ne crois pas non plus que c'est à moi, la femme, d'être exclusivement en démonstration, au boulot, en demande, dans la crainte de ne pas suffire et donc de perdre l'autre. Si tu veux quelque chose moi je dis "bouge ton cul" et si je veux quelque chose de toi je dis "bouge ton cul". Oui je suis comme ça. Après 13 ans de vie commune je ne crois pas à la perle rare qui fait mes caprices et le ménage, je crois simplement que tous les hommes ne sont pas dominés par une certaine idéologie du mâle dominant ni éduqués par des mères soumises à cette même idéologie (et qui dès lors ne leur ont pas mis de coups de pieds aux fesses). Je pense vivre avec quelqu'un qui a compris qu'une vie commune est faite de tâches communes, enfants compris. Et si je sacrifie parfois à la tradition de la mère qui en fait deux fois plus que le père c'est aussi parce que je suis une mère qui le veut. Mon sang ne fait qu'un tour lorsque j'entends que j'ai de la chance d'avoir un "homme présent", un "père impliqué" et gnagnagna et gnagnagna. L'enfant ça se fait à deux non? Bon, ben ça s'éduque à deux.

Remercier pour ce  qui devrait être acquis me semble le comble. Pas de chance pour l'autre partie de mon couple. Il aimerait, c'est vrai, bien évidemment que je le reconnaisse dans ses mérites (et rassurez-vous je le fais parfois quand il ne m'écoute pas). Enfin, pour enfoncer le clou du mythe de cet homme il faut savoir qu'il comprend AUSSI que je ne le fasse pas.

Il est difficile de trouver celui ou celle qui partagera votre vie. Un couple est fait de compromis mais aussi de clichés et d'attentes. J'ai parfois envie de croire aux histoires à l'eau de rose mais je ne pourrais qu'être déçue. Je me réjouis plutôt d'avoir rencontré quelqu'un avec qui il est possible de survivre à la routine et parfois même d'y ajouter un peu de magie.

Ces jours derniers, je couve précieusement ma progéniture attendue sous (très) peu, mère en attente, un peu anxieuse et pleine de demandes. Et je suis apaisée parce que cet homme, ce père, a fait discrètement les mille et une tâches demandées (parfois insensées) afin de me faire plaisir. Il n'avait aucune autre raison de le faire. (Prince) Charmant hein?

Je l'aime parce qu'il m'aime comme je suis, même quand ça le rend fou.
Je l'aime parce qu'il me dit qu'il n'aime pas Leonard Cohen et que je ne pense qu'à lui en l'écoutant.

(fais toi plaisir, clique sur le lien)

samedi 21 juillet 2012

With a little help from my friends



...Tonight I'll dream while I'm in bed
When silly thoughts go through my head
Of the bugs and alphabet
And when I wake tomorrow I'll bet
That you and I will walk together again
I can tell that we are gonna' be friends
Yes I can tell that we are gonna' be friends...

Jack Johnson - We're going to be friends

J'ai un ami que j'ai rencontré il y a bientôt 26 ans. Il a été un peu de tout (à la belge en ce jour de fête Nat') pour moi. Un copain, un ami, un premier amour, un ennemi, un obscur objet et aujourd'hui un parrain pour ma fille. Parfois on partage tout, parfois on prend l'air, parfois on se dispute, parfois on ne se comprend pas et parfois personne ne nous comprend. On ne prend rien pour acquis même si on ne croit pas que certains liens peuvent avoir une fin. Et si j'ai parfois des regrets, je ne voudrais pour rien au monde changer cette drôle d'histoire. Tu es mon meilleur ami tu sais.

Les potes, les amis, les meilleurs amis, les connaissances, les relations, les proches. Autant de catégories qu'il faudrait parfois un tableau Excell pour s'y retrouver. Ou juste partir du principe qu'il y a ceux avec qui c'est cool et puis les autres. Cool comment au juste? Genre cool on va boire un verre et on bave sur les autres? Ou cool t'es là quand j'ai besoin de toi? L'ami c'est celui à qui on dit tout et qui est toujours dispo, ou pas? Parce que là c'est limite exigence en mode esclavagisme. Où que c'est la frontière entre la transparence totale et les limites conventionnées? Des amis pour faire certains "trucs" et pas d'autres?

Les amis ne sont pas toujours ceux à qui on s'attend, pas toujours dans la durée ou dans le temps. Ils vont et viennent, se renouvellent, se perdent et se retrouvent, parfois. Certains privilégient le nombre, d'autres la qualité. La distance ou la proximité. Ceux avec qui l'on se fâchent ne sont pas toujours ceux qui s'éloignent. Ceux qui s'éloignent restent parfois très proches dans le coeur. Certains n'étaient pas destinés à grandir avec nous, d'autres sont encore à découvrir. 
© Beverly Hills 90210 - Fox
L'amitié c'est parfois se taire même quand on a envie de hurler, faire le vide quand on a envie de juger. C'est le silence parce qu'on aime et qu'on respecte l'autre. C'est aussi dire certaines choses, briser des tabous comme personne ne peut le faire. Mettre les pieds dans le plat ou jeter le pavé dans la mare. C'est accepter qu'on puisse se tourner le dos et se réconcilier, plus tard. Les potes, les amis, les proches sont ceux avec qui il sera toujours possible de mettre des mots ou échanger un regard et aller de l'avant. C'est tout et son contraire. 
Les amis ce sont les clous de ton cercueil parce que tu les as choisi et que tu ne peux pas les juger comme ta famille. Si ce n'est toi ils ne seraient pas là. Tu ne peux pas leur en vouloir d'être là. C'est pas ton mère ou ta mère, ce que tu veux bien prendre d'eux ou accepter ne tient qu'à ton libre choix. 
Les amis sont effroyables parce qu'ils sont le pire des miroirs. Et s'ils ne sont pas toujours justes ils ont le mérite de renvoyer de toi ce que tu veux bien donner aux autres. On peut être déçue du résultat. Ou étonnée, surprise, heureusement surprise et heureuse. S'ils sont là c'est que t'en vaux la peine. Et s'ils ne sont pas parfaits, toi non plus. Ce n'est pas grave. 
Sur Facebook t'en as 547, dans la vraie vie c'est 4. Tant mieux parce que dans la vraie vie, tu n'as pas le temps de fêter tous les anniversaires, d'être de tous les restos et t'as pas la tune (ni la créativité) pour le cadeau qui tue trois fois par semaine. 
J'ai des amis que je connais depuis presque toujours et d'autres que j'ai découvert il y a peu de temps. J'adore mes potes, je suis plutôt nulle pour le dire et je mise tout sur le fait qu'ils le comprennent sans qu'on se le dise. C'est pas de la confiance ça? J'imagine qu'il en va de même pour eux et tant pis si ce n'est pas le cas. Je ne veux pas passer mes amitiés au scalpel, je veux laisser un peu de spontanéité et prendre ce petit risque parfois excitant de laisser les  sentiments faire leur chemin. Je merde parfois, je blesse, je parle trop ou pas assez. J'aimerais m'en foutre mais ce n'est pas vrai. J'essaie d'être suffisamment vraie pour que ceux qui m'ont choisie comme amie puissent avoir confiance dans mon entièreté. 
Perdre des amis n'est jamais un plaisir et laisse toujours des traces (des regrets, des rancoeurs, de la peine?). Il n'y a pas de hasard et c'est peut-être mieux? Il y a longtemps un ami m'a dit que rien ne durait. Je crois qu'il n'avait pas envie de se sentir prisonnier des liens qui nous unissait. Finalement même la distance qui nous sépare aujourd'hui est un lien. Je ne sais pas si nous pourrions nous retrouver après toutes ces années, on ne se connaît plus (ou peut-être que oui?) mais je ne peux m'empêcher de penser avec douceur à lui. Et puis je pense à autre chose parce qu'il n'y a aucune raison de traîner de vieilles casseroles...

J'ai des amis qui habitent loin, qui habitent tout près, qui sont smart, qui sont lifestyle, qui sont bohèmes, qui sont intellectuels, qui sont superficiels, qui sont engagés, qui sont paumés, qui sont beaux, qui sont moches, qui sont chiants, qui sont drôles, qui sont émouvants, qui sont parents, qui seront parents, qui sont vieux, qui sont jeunes, qui m'énervent, qui me laissent perplexes, qui ont bon goût, qui ont mauvais goût, qui m'épuisent, qui me remontent le moral, qui me font rire et qui sont là.


Mes amitiés ne ressemblent à aucune sitcom. Ca me va comme ça.


samedi 12 mai 2012

Sign & share

de l'art de s'engager - sur un mode moderne et virtuel. 

Les sarcastiques diront que c'est bien facile de cliquer derrière un écran pour se sentir actif. Ceux là sont ceux qui ne cliquent jamais et qui à part critiquer les agissements des autres ne font pas grand chose. En fait disons-le ils ne foutent rien d'utile. 

C'est vrai que l'engagement ce n'est pas obligatoire. Même si on peut se demander comment à notre époque il est encore admissible de rester impassible devant le rythme effréné du monde dans sa course à la connerie. Le retrait, le sans-avis, la pseudo prise de distance, la non position (différente de la réflexion ou de la difficulté à trouver la position qui nous parle) c'est une manière de ne rien faire. C'est une manière de laisser faire, parfois le pire. Et ça c'est irresponsable. 


Le temps pris pour lire les quelques lignes explicatives d'une pétition (pour ceux qui n'ont pas le courage de lire plus avant des articles de fonds) est court, il ne coûte rien et peut pourtant y faire beaucoup. Les adeptes de nombreux mouvements d'action sur la toile sauront qu'il y a des suites aux (sérieuses) pétitions. Bon pas toujours, c'est vrai, mais qui ne tente rien est sûr de ne rien avoir, pas vrai? Et à défaut de résultats concrets rien n'est perdu car c'est aussi une  manière de diffuser de l'information et d'en apprendre plus.  

Parfois quelques clics font plus que lorsqu'on marche en silence dans la rue. Je ne sais pas si c'est vraiment bien mais c'est un moyen. Et certains combats ou certaines idées valent bien de s'ouvrir à de nouvelles méthodes. 

Dans notre société où l'on veut toujours plus, les aficionados de la consommation se réjouiront que les pétitions on-line fourmillent des sujets les plus variés et rencontrent de nombreux intérêts (même si un grand nombre ne partage pas forcement chacun de ces intérêts et que toutes ne sont pas - bonnes - à signer). Chaque région du globe est couverte, des humains aux animaux en passant par les animaux utilisés par les humains et les humains utilisés par les humains. De l'écologie, du bio, du fair trade. De l'éducatif, de l'artistique. Des gays, des lesbiennes, des hétéros et des qui savent pas vraiment. Des guerres et des paix. Je ne suis pas exhaustive. Il y a donc toujours moyen de trouver clic à son doigt. 

Tout ça pour dire quoi? Et bien qu'à la prochaine pétition que je t'envoie, attends avant de nier l'affaire ou d'effacer mon message l'air de rien. Clique un coup ou deux et tu verras qu'il ne t'arrivera rien si ce n'est d'avoir bonne conscience. Un luxe aujourd'hui. Et puis diffuse (si tu as le temps). Fais partager tes idées, tes craintes, tes souhaits, tes passions aux autres. Ce sera toujours plus utile que la chaîne de l'amitié que tu ne peux briser sous peine de mourir dans d'atroces souffrances et avec laquelle tu brises par contre les c*** de tes contacts mails. Ce sera plus utile que de poster sur ton mur Facebook un avis disant que t'es fièr(e) de connaître un cancéreux, un moche, un handicapé et que TOI tu oses le dire. Ça leur fait une belle jambe tiens... Par contre les pétitions permettant de lutter contre la discrimination, pour permettre les soins accessibles à tous et j'en passe et des meilleures ça pourrait avoir un peu de sens pour tous ceux qui luttent face aux adversités physiques, sociales, politiques de la vie. Enfin je crois. 

Manifester même du bout des doigts est un droit que tous n'ont pas. C'est donc un devoir pour ceux qui l'ont. Il y a plus de force dans une pétition que dans un avis donné du fond de son canapé. Courage!

Le "clic" d'un jour ne dispense personne d'une petite manif live à l'occasion. Dis toi que c'est "vintage" s'il faut que ce soit un peu "lifestyle" pour te convaincre que l'engagement c'est pas ringard. 



dimanche 22 janvier 2012

De l'art de cultiver les fleurs


                 © Chloé Bingen
The North is to South what the clock is to time
There's east and there's west and there's everywhere life 
I know I was born and I know that I'll die
The in between is mine
I am mine

Pearl Jeam - I am Mine

2012. Bonne année. Le moment des (bonnes) résolutions s'il en faut. A cette occasion je me suis offert le luxe d'un petit cadeau à moi-même en guise de bonne résolution. Cette année je me dis que je suis quelqu'un de bien, j'y crois et j'assume. Difficile exercice. Mais si ce n'est pas à mon âge (pas si avancé mais plus si jeune) que je m'y mets, quand alors? Faire sa propre éloge ou du moins s'envoyer quelques compliments est un art difficile.
Le premier écueil en ce qui me concerne (et la première réflexion qui me vient) c'est que c'est d'une prétention sans fin. D'avance je pense à tous mes défauts. Quel dommage. Pourquoi devrais-je justifier mes qualités en les assortissant d'un bon nombre de défauts. Pourquoi n'est-il pas possible ou si mal aisé de se dire "mais oui j'en vaux la peine". Si une grande marque de cosmétiques sans éthique peut s'offrir ce slogan, ma petite personne engagée n'a pas de raison de s'en priver. Et puis en toute mesquinerie et suffisance, si des tas de cons se permettent le luxe de se trouver bien... Allez, je me lance... Pendant mes études mon maître de stage me disait souvent que si j'étais capable de faire d'excellentes critiques et remises en question, il fallait que je travaille l'acceptation de mes qualités. Quelle idée me disais-je à l'époque! Pourquoi perdre son temps à travailler cela? Qu'importe ce qui est bien fait, ce qui compte c'est ce qu'il faut encore changer, améliorer. Elle m'avait pourtant prévenue que cela me causerait du tort. Et elle n'avait pas tort. Progresser, s'éveiller, grandir, c'est aussi partir de ce que nous sommes, de ce qui est bien acquis et sur lequel nous pouvons compter. Pour 2012 (mais j'avoue j'avais entamé l'exercice en 2011) je me suis mise à l'écoute des compliments (tadaaaaa). Et je vous livre quelques perles sur "mon engagement, mes qualités professionnelles, ma fidélité en amitié comme en famille, l'excellent chef que je ferais, mes analyses fines et justes, mon écriture de qualité (nous ferons l'impasse sur l'orthographe), ... Et d'autres encore toutes aussi douces à mon coeur. Bref, ce ne sont pas les compliments eux-mêmes qui comptent mais, d'une part me rendre compte qu'il y en a, et d'autre part les entendre. Je suis contente d'avoir fait ce pas. La reconnaissance de nos qualités ne vient pas toujours de là où nous le souhaiterions et c'est d'autant plus rare qu'elle vienne de nous mêmes. J'insiste sur le côté altruiste (mais oui) de ma démarche aussi paradoxal que cela puisse paraître. Si tu ne commences pas par t'aimer toi-même, comment être aimé de l'autre? Est-ce si mal de se faire un peu de bien et d'être fier de soi? On ne peut pas tous être des héros de la sphère publique. Mais on peut tous se dire que finalement, quelque part, on est quelqu'un de bien. Et on peut être fier de soi. Parce qu'on est un bon cuisinier (sans être chef étoilé), parce qu'on peut bien écrire (sans être le Goncourt de l'année), parce qu'on joue bien de la guitare (sans être un artiste connu), parce qu'on est de bonne écoute (sans être un psy), parce qu'on peut diriger une équipe efficacement (sans être un dictateur). Je termine intentionnellement mes exemples en citant les qualités de chef parce que c'est une petite anecdote professionnelle qui m'a donné envie d'écrire ce billet d'humeur. Et qui m'a piquée suffisamment au vif pour me sortir de ma léthargie d'employée de niveau 2+ (j'avoue, je me mets à nu). Passons les détails mais disons que dans une réflexion sur un plan de carrière (chose dont je ne suis pas fan mais sur laquelle il faut à un moment s'arrêter ne fusse que pour remarquer que l'on n'en a pas) je me suis heurtée à la hiérarchie. Plus précisément à ce que certains supérieurs hiérarchiques pouvaient penser de ceux occupant les postes "d'en bas", nous les sous-fifres... Il leur semblait invraisemblable que nous puissions un jour occuper leurs postes et plus encore même que nous imaginions pouvoir le faire. Mince, la claque. C'est donc ça que "là-haut" ceux qui nous dirigent pensent? Aïe. Je ne serais donc pas grand chose à leurs yeux? Juste une déléguée dans la masse, considérée comme une enfant plus ou moins sage. Mais qui n'en reste pas moins une enfant, une petite chose qui surtout ne doit pas s'imaginer être ailleurs que là où elle est. Aïe. Et là, au détour d'un couloir et d'un échange avec une amie pleine de sagesse (et d'humour) je me rappelle qui je suis, ce que je suis. Pour ma part, une fille de bonne famille, bonne éducation, bonne école, bonnes études, connaissances culturelles diverses et variées, avec des convictions assumées, des goûts aussi fins que surprenants, ayant voyagé, parlant plusieurs langues, avec de nombreux amis, un homme, une fille incroyable, des chats de cirque et quand je veux, j'ai même un langage châtié. Je ne suis pas cette fille déconsidérée par ces personnes déconnectées de la réalité que sont mes supérieurs hiérarchiques. Rappelle toi Chloé, tu te fiches de ce qu'ils pensent, tu vaux mieux que ça, tu es au dessus de cela. Tu es cette fille pleine de qualité qui peut être fière d'elle. Tu es entourée de personnes pleines de qualités qui peuvent être fières d'elles. Et puis de quelques tristes personnages aussi. Ne pas convenir à tous ne fait pas de moi quelqu'un de moins bien. Tout cela est peut-être limpide pour certains depuis longtemps mais je suis nouvelle ici. Il y a peu de temps que j'ai découvert que l'approbation de l'autre n'est pas tout, celle de soi-même et de notre propre équilibre est toute aussi importante, plus importante même. Et tant pis pour le grand équilibre cosmique (merde alors). C'est ça finalement l'histoire, c'est à moi de me définir. Je n'ai pas à rougir de qui je suis. Demain je ferai la liste de mes défauts (dont la prétention et l'arrogance seront les têtes de liste) pour compenser ce trop plein d'amour de moi-même et ce manque d'humilité. Je ne cache pas qu'écrire cette petite bafouille a été très difficile mais je veux aller jusqu'au bout de la démarche. Il le faut, je me le dois. Je m'assume comme personne terriblement chouette. Na!

J'ai connu un garçon dont le poisson rouge changeait de couleur quand il était amoureux et à qui j'ai offert un vase pour mettre les compliments dont il ne savait que faire. Ce billet est pour toi mon ami.


dimanche 4 décembre 2011

Le verre à moitié plein de maman d'amour

© Chloé Bingen
Il faut savoir aimer la vie (oufti le programme! oui, aujourd'hui je suis audacieuse, j'ai la gueule de bois). Malgré les jours à vide, ceux où il est difficile d'empêcher le décompte des merdes ennuis et de se demander "pourquoi moi?", ces jours où Calimero est ton maître à penser. Les jours vides sont ceux où tu te laisses aller à la mesquinerie. Tu te rappelles les paroles qui blessent, qui agacent, les choses que tu aurais aimé répondre ou dire, que tu aies tort au raison. Ces jours là tu regardes la vie des autres et tu te demandes pourquoi la chance leur sourit à eux - qui n'en touchent pas une. Tu t'en veux aussi parce que c'est un jugement et que finalement même les cons ont droit au bonheur (dure réalité mais qui t'amène à penser dans les bons jours qu'on est toujours le con d'un autre et que donc la chance devrait tourner). Tu te dis que ça aurait été bien quand même si t'avais reçu ta dose avant eux. Tu te les ramasses à la pelle ces contrariétés et si t'étais croyant tu te dirais que vraiment Dieu t'en veut. Dieu merci je ne suis pas croyante. Tu t'en veux aussi parce que parfois tu ne te donnes pas les moyens de faire ce que tu veux et tu en veux aux autres de l'avoir fait (ils m'éééééénerfent ceux là qui ont les c*** que je n'ai pas).
La somme des contrariétés a cela de magnifique c'est qu'elle n'est pas restrictive. Toutes les petites choses que tu n'aimes pas peuvent s'y glisser, du portefeuille volé à des amis qui ne te rappellent pas, de ton grand-père dont l'état de santé fait écho au fait que rien n'est éternel et que ceux que tu aimes te quitteront un jour, à ces amis prêts à accueillir un enfant mais qui ne vient pas, de ce boulot qui te bouffe mais où tu ne veux pas prendre du repos parce que le retour sera encore pire, à tes voisins que tu hais parce qu'ils éveillent le pire en toi, ... Parfois ça ne te concerne même pas mais tu en fais ton problème malgré tout. Ces jours là sont ceux où tu es envahi (tadaaa!). Et dans les méandres de ton cerveau tu ne trouves plus le chemin qui te mène à la légèreté et à la distance. Et puis boum! Tu te repasses le film et cette fois tu te dis que c'est ça la vie. Il y a du pain noir au menu mais il y a du dessert aussi (avec ou sans fromage). Est-ce l'effet des mantras que tu as récités à perte ? (j'ai une valise pleine de proverbes dont j'use et abuse pour contrer le pain noir) ou une relativisation miraculeuse qui te fait dire que tu as beaucoup comparé à d'autres et que la vraie sagesse est d'en prendre conscience. Donc Boum! Là, l'oeil neuf tu regardes ces peines/soucis/chagrins/colères et tu te sens bien. Finalement, est-ce bien nécessaire de sacrifier une amitié sur l'autel du combat quotidien pour se parquer dans ta rue? Est-ce bien nécessaire de te faire tant de mal à constater que l'autre te fait tant de mal? Après tout l'autre se fout de toi et le temps que tu sacrifies à y penser, il/elle le passe à bien d'autres activités sans se soucier de toi... Tu te dis  - magnanime - que dans ta grande bonté tu es au-dessus de la mêlée et que tu ne veux pas perdre une minute de ton temps à être mesquin, à être chagrin. Boum! T'es reparti dans l'autre sens. C'est bien tous ces sentiments dégoulinants et ce regard un brin condescendant sur l'autre mais finalement après 45 minutes à tourner pour chercher ta place de parking, tu l'encastrerais bien ton voisin. Et c'te c*** qui te fait c*** tu lui sortirais bien ses 4 vérités. T'as envie de mettre ta coquille sur la tête et de crier bien fort "c'est trop injuste!". Dans ces moments là (si t'as pas l'effet Boum! inverse), arrête toi. Ouvre par exemple un livre de Pancol qui finit bien (essaie avant de dire que tu n'aimes pas!). On a tellement pris l'habitude que tout finisse mal que ça paraît toujours fleur bleue quand ce n'est pas le cas. D'autant plus si le héros est de classe moyenne (une tranche anonyme sans problèmes percutants). Arrête toi et fais toi un tchaï au coin du feu. Arrête toi et mets le dernier album que tu as reçu d'un ami (un collector limited edition quand même!). Tu peux même lire ton livre en buvant un tchaï avec Wallis Bird en fond sonore. Si tu n'as pas tout ça, que tu n'aimes pas le tchaï, Katherine Pancol ou Wallis Bird tu peux quand même t'arrêter et prendre le temps d'une respiration pour regarder ce qui t'entoure. Moi je vois des livres, des dessins d'enfants, une guitare, une tasse de café, un chat qui ronronne (et qui perd ses poils), une boîte de Dafalgan. Et là je dois faire un choix. Râler parce que mon cher et tendre ne met pas sa tasse au lave vaisselle? Râler en regardant la couche de poils de chat à aspirer? Se dire qu'on n'a plus 20 ans et que hier au bar c'était marrant mais ce matin ça craint? Ou?... Me réjouir parce que mon grand-père va mieux et qu'il parle avec passion du fond de son lit d'hôpital des livres qu'il lui faut encore écrire (et tant pis pour ceux et celles qui l'enterraient déjà!). Me réjouir d'avoir retrouvé des amis, autour de mojitos en cascade ou derrière une guitare! Ecouter ma fille chanter à tue-tête et en boucle "La-mère-Michel-mon-petit-lapin-promenons-nous-dans-les-bois-petit-escargot-bateaux-sur-l'eau-un-petit-canard-au-bord-de-l'eau-..."! Et entendre cette même cantatrice coquine te dire un lundi matin "tu es ma maman d'amour". Parfois, je dis bien parfois, c'est une question de remplissage. Un verre à moitié vide ou un verre à moitié plein. Ni démago' ni idéaliste je m'arrête 5 minutes sur les petits plaisirs de la vie, version bonne cuvée. Ca ne sauve pas tout et faut-il encore les voir mais parfois quand la valse des sentiments à chier t'emporte dans le tourbillon magique du moral à zéro, faut bien s'accrocher à quelque chose. Les petits miracles, les petits mots, les petits hasards qui n'en sont pas. Et puis quand t'as fait une accroche il ne reste plus qu'à lâcher prise (ah ben oui sinon tu vires pathétique) et te laisser porter par cet indéfinissable sentiment de bien-être, le temps qu'il durera. Prends ce qu'il y a à prendre. Si tu t'assieds c'est pour mieux repartir, pas pour te contempler le nombril (sauf si tu te sens particulièrement bien). Le pain noir revient de temps en temps sur la table, les verres se vident et se remplissent. Tu bois seul ou accompagné. C'est comme ça la vie. Dans toute son éclatante banalité. Loin de faire la morale, la fleur aux dents et le sourire aux lèvres, j'avais envie de partager mon verre à moitié plein - aujourd'hui - avec ceux qui le veulent. Santé!

vendredi 25 novembre 2011

Prise de risque



© photo Thierry Bingen - voyage en Palestine, novembre 2011.
...Now the sweet veils of mercy
drift through the evening trees
Young men on the corner
like scattered leaves
The boarded up windows
The hustlers and thieves
While my brother's down on his knees
My city of ruins
Come on rise up!
(Bruce Springsteen)


La première chose qui me vient à l'esprit en pensant au conflit Israëlo-Palestinien c'est qu'il est difficile d'en parler. Et que c'est le sujet qui va vous plomber une soirée (croyez moi, même entre amis, à moins que ces mêmes amis partagent presque inconditionnellement votre point de vue). La réponse la plus courante lorsque le sujet se profile est "tu sais c'est un sujet très complexe et je ne maîtrise pas toute l'histoire et les enjeux". Bouhou! C'est un sujet qui fait peur parce qu'il faut parler des juifs et des arabes. Des mots qui font peur parce qu'ils sont connotés, chargés de sens ou d'émotions. Et que la terreur d'être désigné comme antisémite nous fait taire (on se demande bien à quel titre d'ailleurs mais avouons le tout de même, en ces temps d'amalgame...).
Haut les coeurs! Il est temps de mettre des mots sans en avoir peur. Il est temps de parler. Comme beaucoup il est vrai que je n'ai pas une perception pointue du conflit sur le fond historique, je n'ai pas potassé des milliers de livres sur la question, je n'étais pas née en 1948, je ne suis ni juive, ni Israëlienne, ni arabe, ni Palestinienne. Mais je suis humaine, avec un fond d'humanité en moi (ce à quoi tous les humains ne peuvent prétendre...). Et à ce titre je suis en droit de parler des droits humains et de leurs bafouements. J'ai le droit de ne pas accepter de me taire face à l'Histoire qu'il faut respecter. L'histoire c'est l'affaire de tous et elle ne se conjugue pas qu'au passé. Aujourd'hui en Palestine il y a des personnes qui vivent dans un état de guerre. Certains l'ont choisi, d'autres pas. Certains boivent du champagne au bord de la plage, d'autres sont privés d'eau. Certains sont modérés, d'autres moins, il y a même des extrémistes. Il y a même des colons en territoire Palestinien. Oui. Ces colonies sont des violations systématiques des droits humains et ne peuvent pas vous laisser indifférents. Oui. Mais je suis en colère plus globalement sur la négation de la souffrance engendrée par cet état de fait dans lequel grandissent aujourd'hui des enfants dont on ne pourra rien attendre d'autre que de la colère et des représailles violentes si le déni persiste. Je ne peux croire que les enfants de Gaza, évoluant depuis leur naissance dans un état traumatique, puissent plier sous le poids de l'oppression sans révolte. Il y a pourtant - il faut le souligner- en Israël, et partout dans le monde, des personnes de bonnes volontés, de toutes les communautés, qui travaillent à un processus de paix. Plus ou moins loin des grands de ce monde, qui manifestement ont des priorités toutes particulières en terme de paix, il y a des travailleurs sociaux, des idéalistes, de fervents humanistes qui désirent ardemment cette paix, cette reconnaissance de l'autre dans sa richesse. Pendant ce temps là il y en a d'autres qui persistent et signent dans l'ignorance. Ces autres érigent des murs, humilient des hommes et des femmes, colonisent, privent d'eau et de logements des familles, détruisent un héritage. Ces autres attisent la haine et tentent de nier les droits, même l'existence, de ceux qui sont leurs frères. Sans doute ne peuvent-ils se reconnaître dans ce lien, trop acharnés à le détruire. Parler du conflit Israëlo-Palestinien ce n'est pas que parler d'histoire millénaire ni de celui qui était là avant l'autre (sinon peu de pays ou de peuples pourrait aujourd'hui s'arroger le droit de leur terre). Parler de ce conflit c'est avant tout parler d'un Etat de souffrance. La souffrance de ceux privés de beaucoup ou de tout, surtout privés de leur dignité. La souffrance aussi d'un groupe de personnes qui en opprime d'autres. Au nom de sa propre histoire? Ce serait le paradoxe absolu. Si la 2ème guerre mondiale devrait nous avoir appris une leçon c'est que la barbarie la plus absolue est possible et qu'il est de notre devoir de ne pas la laisser se reproduire. Le drame de la 2ème guerre mondiale n'appartient pas à une et une seule communauté parce que ce drame est de la responsabilité de tous. Et aujourd'hui il en va de même quant à cette responsabilité - commune - de refuser le déni d'un peuple par un autre. Au passage nous noterons, par une petite digression, le Tibet oublié qui devrait faire l'objet d'une chronique à lui tout seul. En termes de négation de la culture, de la religion, des croyances et des traditions de l'autre, il y a là un grand gagnant! Mais bon, le Tibet, c'est vraiment très loin de chez nous, très haut et les enjeux économiques y sont mineurs pour le moment. En plus ils sont non violents... Passons. Revenons à la prise de risque du jour. Moi ça ne me gêne pas de dire que les colons sont des irresponsables, des criminels, qui vont au devant de problèmes et qui n'obtiendront aucune compassion de ma part. Mais dans ma grande bonté (dont ils se contre foutent royalement) je me désole secrètement pour eux et tout ce qu'ils manquent en refusant d'être ouverts à l'autre. Tout ce qu'ils détruisent aussi. Alors, j'ai tort de parler du conflit Israëlo-Palestinien parce que je ne suis pas une spécialiste de la "question"? De parler d'une histoire d'hommes guidés par des peurs et par de l'ignorance? C'est finalement l'histoire de tous les conflits. Celui-ci n'est pas différent des autres. Refuser d'en parler c'est rejoindre le camp de l'ignorance et de la peur. Il y a d'autres chemins possibles. La paix est l'affaire de tous.

Pour ceux qui dansent d'un pied sur l'autre, hésitant encore à prendre une position, à ce sujet mais sur d'autres aussi, à s'engager dans la voix de l'opinion (la mienne ou une autre, je ne suis pas sectaire), je ne peux que vous inviter à lire Stéphane Hessel et pourquoi pas "Indignez-vous"...