jeudi 2 février 2012

Féminisme, féminité et respect de soi

"Le féminisme est un ensemble d'idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. Il s'incarne dans des organisations dont les objectifs sont d'abolir les inégalités sociales, politiques, juridiques, économiques et culturelles dont les femmes sont victimes. Si le terme « féminisme » ne prend son sens actuel qu'à la fin du XIXe siècle, les idées de libération de la femme prennent leurs racines dans le siècle des Lumières et se réclament de mouvements plus anciens ou de combats menés dans d'autres contextes historiques. L’objectif principal de la « première vague du féminisme » est de réformer les institutions, de sorte que les hommes et les femmes deviennent égaux devant la loi : droit à l'éducation, droit au travail, droit à la maîtrise de leurs biens et droit de vote des femmes constituent les revendications principales de cette période. Le mouvement féministe a produit une grande diversité d'analyses sociologiques et philosophiques. La deuxième vague féministe, qui intervient à la fin des années 1960 avec la naissance du Mouvement de libération des femmes (MLF) et du Women's Lib, a ainsi élaboré plusieurs concepts qui entendent rendre compte de la spécificité du rapport de domination exercé sur les femmes. C'est à cette période qu'est reformulé le concept de patriarcat, élaboré celui de sexisme et que l'accent est mis sur le domaine privé comme lieu privilégié de la domination masculine : le « personnel est politique ». Les revendications touchant au contrôle de leur corps par les femmes (avortement, contraception) sont placées au premier plan mais, plus largement, c'est à la construction de nouveaux rapports sociaux de sexe qu'appellent les féministes de cette deuxième vague. Dans cette perspective, la notion de « genre » entend « dénaturaliser » les rapports entre les sexes. Sous le nom de troisième vague féministe, on désigne à partir des années 1990, un large ensemble de revendications exprimées par des militantes féministes issues de groupes minoritaires, dans le sillage du Black Feminism." Merci Wikipedia (et vive l'accès libre au net et à l'information!).

Je ne voudrais pas me lancer dans l'analyse de ce qu'est le féminisme et sa perception aujourd'hui (certaines le font déjà et bien mieux que moi, chapeau bas madame) mais j'ai envie de m'arrêter un instant sur ma propre conception du féminisme et de ses représentations.

Un soir pas très lointain, autour d'un hamburger, entourée d'amies proches, le sujet surgit parmi d'autres, amené l'air de rien par la question de l'avortement (si si je me marre au resto avec les filles faut pas croire hein!). Je lâche "je ne suis pas féministe et les chiennes enragées qui défendent les femmes, très peu pour moi, je me passerai de leur soutien". C'est vrai quoi, ces féministes qui crient partout qu'on est l'égale de l'homme, qu'on vaut un homme, qu'il faudrait d'ailleurs en pendre quelques uns par les couilles pour mettre fin à l'oppression de la femme, ça me parle pas beaucoup. Si je peux entendre, croire, admirer les femmes qui ont eu le courage de faire entendre leurs voix il y a des décennies, je me dis (un peu endormie sans doute) que finalement ce n'est plus le même combat aujourd'hui et qu'il ne faut pas exagérer. Une petite claque mentale plus tard, je suis obligée de reconnaître que ce n'est pas vrai. Comme mon amie me le fait remarquer justement, je confonds être l'égale de l'homme et être son semblable. Je rejette souvent les "féministes" parce que je comprends mal le discours et que j'ai le sentiment qu'elles veulent que nous soyons semblables aux hommes. Moi je n'en ai pas envie. J'aime être une femme. Je ne suis pas comme un homme, j'aime que nous soyons différents et complémentaires (et franchement quand il faut faire les travaux dans l'appart' je me fais ardente défenderesse de la femme sans muscles qui ne peut porter des tas de gravas sur deux étages...). C'est clair, je défends ardemment l'idée de ne pas être semblable à l'homme et même les nombreux avantages que cela comporte (des aspirations aux attentes, de la mode aux obligations). Nous ne sommes pas semblables, c'est bien, mais nous ne sommes pas égaux, c'est mal. Je disais donc quelques lignes plus haut que je m'étais "un peu endormie" sans doute parce qu'il me vient parfois à l'idée que ma génération (les 70' et début 80') est  larguée en terme de combat. Beaucoup de grandes causes ont trouvé une apogée avant nous et si le combat n'est pas fini, l'enjeu est moins visible. Notre boulot aujourd'hui est d'enraciner ce qui a été gagné, d'éviter le recul des mentalités et d'engager les nouvelles générations vers de nouvelles perspectives de réflexion. Bref, as usual on laisse tomber avant la fin, on s'essouffle, on néglige le détail, on s'endort au moulin. On oublie. Mais la réalité est que les inégalités sont bien là, encore et toujours. Exemple? La protection de la maternité, le congé de maternité et son "salaire", les considérations de nos supérieurs hiérarchiques, nos collègues, ..., mince parfois je me dis que je suis la seule des deux sexes à pouvoir porter un enfant (pour le coup ce n'est pas un choix) mais à quel prix! Presque obligée de me justifier de cette grossesse (je la pique à une collègue - véridique). Et je me dis (idiote) "c'est vrai, c'est pas facile pour un service de gérer ces remplacements et ces écartements prophylactiques" - enfin là je rêve parce que chez nous ce n'est vraiment pas d'application. Bref, je me demande aussi, lorsque ces mêmes responsables engrossent leur femme, s'ils se demandent si cela va poser problème au chef de ladite femme? Sûrement pas. Et les pires ennemies des femmes enceintes sont elles-mêmes. Prises dans un fonctionnement de société où il nous faut être femme avant d'être mère, performante et rentable, nous marchons sur nos droits. Je ne cesse de marteler dans les couloirs du boulot que "je suis enceinte mais je ne suis pas malade, pourtant je veux être ménagée, pas parce que je suis une nouille mais parce que c'est mon droit". Remettons-nous en question le droit de vote de 1948? Non. Ne remettons pas le reste de nos droits sur la sellette. Bon là je suis un peu concernée par la thématique de la femme enceinte puisque je suis en mode poule couveuse pour les mois à venir. Est-ce cela qui m'a fait dresser le sourcil à la lecture de "ni maman, ni objet, ni putain". Mais c'est quoi ça? Qu'est-ce qu'elles veulent les femmes à la fin? Je suis une femme, je suis une mère, je me sens bien. Je ne suis pas objet, parfois ou si peu. Je ne suis pas putain (je suis déléguée...).

Mais les femmes sont bien d'autres choses que cela. Pourquoi se définir dans le rejet de catégories réductrices qui plus est. Coincées dans des carcans on ne sait plus ce qu'on est ou ce que l'on devrait être. Je me sens partagée entre statut et étiquette, sans savoir ce qu'il convient de respecter pour être fidèle à mon genre, sans être respectée moi-même par ces défenderesses des femmes. Perdues dans nos représentations, nous nous perdons nous mêmes. Ne faudrait-il pas accepter la multiplicité de ce qui nous fait? Les blagues sur les femmes ne sont-elles pas remplies de ces sous-entendus qu'il faudrait plus d'une vie pour lire le mode d'emploi d'une femme étant donné sa complexité (celui de l'homme ressemble plutôt au mode d'emploi Ikea - doit-on l'envier?). Je n'aime pas rejeter tous les modèles, je n'aime pas l'indépendance absolue. La femme est l'altérité de l'homme. Nous ne pouvons nous définir les uns sans les autres et nous avons besoin des uns et des autres. Je ne potasse pas tous mes sujets à fond (sinon je n'écrirais pas des petites pensées du jour mais une thèse). Toutefois je ne comprends pas (et j'espère très sincèrement avoir manqué le fond du discours) des affirmations comme le fait que de revenir à une maternité naturelle est un recul, que l'allaitement est un piège qui enferme la femme dans sa condition. Peut-être ai-je une chance folle mais dans mon nid, c'est moi  qui décide de cela. Mon homme il est d'accord...de me laisser décider. Si je le sens tant mieux, si je ne le sens pas c'est mon choix. Mon homme il dit que c'est mon corps et que je dois agir en fonction de ce que je me sens capable de faire. Il respecte mon choix. Et plus encore que cela il est prêt à en discuter si je le désire. N'est-ce pas là un véritable respect de mes choix et de ma condition comme de la sienne? Je remplis sans doute bien des stéréotypes de la femme et mon homme un paquet de ceux des hommes. Nous nous battons parfois sur ces questions mais ce qui nous tient fondamentalement à coeur c'est de permettre à l'autre de s'épanouir, de tendre au plus près de ses aspirations. Ce qui nous tient à coeur c'est le respect de ce que nous sommes.

Je ne serais pas juste de ne parler que de la femme mère (puisque je m'acharne à démontrer que nous sommes multiples) si je ne parlais pas des ces femmes sans enfants. Et c'est pour moi celles qui sont le plus à plaindre. Non parce qu'elles n'ont pas d'enfants, chacune ses choix, mais parce que cette société qui se veut tellement ouverte sur les droits de la femme ne peut concevoir qu'une femme ne remplisse pas son "devoir" (merde si t'as pas de gosse et que tu n'es pas carriériste c'est trash en soirée de justifier le sens de ta vie!). Et toujours de retomber dans le même paradoxe, on nous reproche d'être soumises à la maternité, on nous reproche de nous y refuser, ballottées d'une étiquette à l'autre,c'est toujours aussi difficile d'être femme. Les mentalités ont certes fait de grands progrès depuis des décennies mais comme toujours à vouloir trop en faire on ne sait plus où aller, quel dogme satisfaire ("dogme" car je ne pourrais pas qualifier ces théories de libres pensées). C'est toujours aussi difficile d'être femme après tout ce temps. Je ne sais plus de quoi je peux être fière. Et sincèrement je plains les mecs aussi. Dans cette société où nous devons être tout à la fois, nous ne pouvons que nous heurter, sexe opposé, pas semblables mais égaux. Avant de vouloir changer "l'homme", c'est aussi les femmes qu'il faut changer. Ce sont d'elles dont je me méfie le plus quand il faut parler féminisme. Si tu ne te respectes pas toi-même comment peux-tu attendre cela de l'autre?

Je ne remet aucun combat en cause (à peine le fond et la forme), les inégalités sont toujours bien réelles et la lutte continue. Serez-vous avec moi le 24 mars 2012 pour marcher pacifiquement au nom du droit à l'avortement? Vous m'y verrez enceinte de 4 mois, ma fille à la main, ma copine célibataire et sans enfant pas loin (c'est une fille bien quand même!). Les droits sont l'affaire de tous. Et je ne cesserai d'emmerder mon boulot avec mes droits de femme et de mère tout comme je ne cesserai de militer pour les droits de l'Homme, de la vie sauvage, des animaux, de la nature, de la liberté d'expression, pour l'abolition de la peine de mort. Mince le respect c'est un boulot à temps plein.

Ma fille, Lola chérie, je te souhaite d'être une femme accomplie. Tu devras définir toi-même le sens de cet accomplissement mais je te promet de t'y aider, de te guider sur le chemin de l'humanité et de la féminité. Je t'aime.

2 commentaires:

  1. Chloé, tout d'abord félicitations pour ta grossesse!! :-)
    Et puis, bravo pour ton texte. J'aime bien que tu mettes bien en balance les combats toujours à faire (cf. l'égalité, et non la similitude, et y encore du boulot que diable) et les choix qu'on fait, et qui sont de toute façon toujours assignés à l'un ou l'autre camp (tu allaites? c'est bien, tu es une bonne mère, mais pas trop longtemps, hein! tu n'allaites pas? pas bien, tu penses à tous les anticorps que tu ne donnes pas à ton petit! fais un effort, que diable).
    Il y a comme une impossibilité à satisfaire la "norme", comme si assumer le fait d'être une femme dans toute ses multiplicités et complexités n'était presque pas souhaitable, tant les femmes ont été réifiées, soit comme sujet magnifié (genre la sainte vierge) ou comme sujet méprisé (par le religieux, le paternalisme, etc et j'en passe).
    Tu parlais de combat, peut-être que pour moi, il réside encore dans ce point-là: arrêter de nous réifier, ou de nous mépriser...peut-être que les féministes doivent revoir leur copie en matière de l'image qu'elles donnent. Je me sens très féministe, mais pas en guerre contre les hommes. En combat permanent contre des prescrits et construits sociaux qui ont la vie dure et qui moi m'emmerdent!
    Sur ce... je viendrais bien avec toi manifester le 24 mars!

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    1. Merci Nath, pour tes félicitations et pour ton commentaire. Je lui trouve une richesse dont je ne doutais pas. J'ai pensé à toi en écrivant, tu as rebondi! Oui, être féministe mais ne pas se tromper d'adversaire. On poursuivra le 24 si le coeur t'en dit. En espérant qu'il fasse un peu plus chaud...

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