dimanche 16 juin 2013

The witching hours

"With a modern literal meaning of "midnight," the term witching hour refers to the time of day when supernatural creatures such as witches, demons, and ghosts are thought to appear and to be at their most powerful and black magic to be most effective. It may be used to refer to any arbitrary time of bad luck or in which something bad has a greater likelihood to occur (e.g., a baby crying, or a computer crashing, or stock market volatility)". Ainsi parle Wikipedia. 

Il y a dans la vie d'une mère deux heures particulièrement sacrées et particulièrement pénibles, entre 17h et 19h. Le 5 à 7. Pas le 5 à 7 de l'Happy Hour où se saouler est à la portée de tous (et encouragé). Même s'il y a un peu de ce genre d'effet, pour une chialade de ton moutard et ben tu peux avoir les deux qui chialent en même temps. Tu peux même si tu veux pas. Ni le 5 à 7 où tu t'envoies ton amant. C'est d'ailleurs celui là qui t'as conduit à ce 17 à 19, deux enfants plus tard (si l'amant est ton mec bien sûr - si ton amant est le père mais pas ton mec n'en dit pas plus, je n'ai pas le temps). Pas de regrets, juste un souvenir, lointain. Très lointain. Il existe donc un 5 à 7 des mères. Il ne faut pas avoir des enfants particulièrement pénibles pour savoir de quoi il s'agit. La recette du cocktail explosif: des enfants en fin de journée feront l'affaire, un père qui travaille, une mère (qu'elle travaille ou pas). En fait les protagonistes de tous les jours. En somme, un cauchemar à la portée de tout un chacun.

Je me suis demandé l'autre jour avec une amie/mère (je ne suis pas seule!) ce qu'on faisait de notre temps avant d'avoir des enfants. Impossible de nommer une activité quelconque mais je peux assurer que j'avais le sentiment de ne pas avoir assez de temps. Ha. Mince, je me foutrais des claques. A part faire les courses (et encore), faire le linge (parfois), qu'est ce que j'avais à foutre d'autre que de boire et fumer, me taper une bonne bouffe et mon mec (pas forcement dans cet ordre). J'avais tout mon temps. Mince (oui ça aussi je l'étais). Je me rappelle d'une chose tout de même, je me faisais la réflexion, "qu'est-ce que je foutais quand j'étais à l'école", que je n'avais rien à prendre en charge ni à assumer, juste à traîner mes guêtres de 8h10 à 16h10 grand max à l'école. Tiens, c'est intéressant, à chaque stade de ma vie, je me rends compte que je glande de moins en moins. Quelles conclusions tirer pour les années encore à venir?

Bref, je m'égare (j'ai un peu de temps, tandis que je tapes ces lignes mes deux filles et leur père font la sieste, je suis presque en vacances). Donc. Durant ces deux petites heures (qui semblent durer un siècle) plus rien ne compte. Nez dans le guidon je m'attelle à mon rôle de mère. La partie la plus prenante: ne pas perdre son sang froid pour ne pas finir roulée en boule dans un coin de la cuisine, occupée à jeter des coquillettes aux enfants, en espérant qu'ils ne me dévorent pas toute crue d'ici le retour du père et en pleurant qu'on ne m'y reprendra plus à faire des enfants (puisque j'en ai deux, je n'ai manifestement tiré aucune leçon de ma première maternité). Non non, les coquillettes c'est dans l'assiette et avec une cuillère, je suis une mère trop au top! (Ça n'a l'air de rien dit comme ça et pourtant).

Oui parce que pour ceux qui n'ont pas d'enfants, ces deux heures peuvent paraître anodines. Ce sont d'ailleurs ceux qui vous appellent à ces heures là: "je te déranges pas?". Si à mort! Mais je décroches quand même pour avoir le sentiment de ne pas être seule au milieu de la tempête. Et puis de toutes façons le coup de téléphone ne s'éternise jamais, entre les coquillettes et la purée de légumes, une mère est fort peu à l'écoute des problèmes ou des bonheurs de son entourage. Et l'entourage sans enfants se lasse vite d'être interrompu 12 fois dans sa phrase par des : "non pas comme ça, rends ça à maman, attention à ton verre, laisse ta soeur tranquille, ...". A moins que la sus-dite personne soit en recherche d'une vie de famille virtuelle, ce dont 5 minutes plongée dans la vie en question la dégoûteras à jamais d'en avoir une à elle.

Entre 17 et 19 les enfants sont fatigués, ils sont sales, ils sont SURexcités, ils ont envie de maman, de bonbons, de papa, d'une surprise (et pas d'un cadeau comme dirait mon aînée, notez la subtile nuance). En hiver ils veulent aller à la plaine de jeux qui est fermée, en été quand le soleil brille ils veulent un dessin animé. Et souvent, très souvent, cette joie qui vous envahi à l'idée de retrouver votre merveilleuse progéniture après ces quelques heures de séparation fait place à la réalité, vos enfants ne sortent pas d'une publicité des années cinquante sur le bonheur familial. Vos enfants sont des humains qui ne répondent à aucune télécommande. Vos enfants sont ce qu'ils sont. Il devient possible alors que le moindre événement génère de titanesques crises de larmes ou de colères sans que le bon sens ait quelque chose à y voir. J'illustre: descendre à l'arrêt de tram habituel, la chute des feuilles en automne, le chat qui dort sur le radiateur comme tous les jours, la compote à la mangue et pas à la fraise choisie par l'enfant lui-même. Etc. Des choses essentielles et puissantes ça c'est une certitude.

Bien sûr comme je suis une bonne mère - comme toutes les autres mamans - je garde toujours mon calme. Férue de Dolto et de Proximal attachement je suis à l'écoute de mes enfants. Je les comprends. Je suis patiente et j'endure ces heures avec le sourire figée de la mère extasiée devant la créativité de sa progéniture (pleurs en tadem, vomis en cascades, demandes farfelues/délirantes). Je m'éclate! J'assume! Et je compte les heures, les minutes, les secondes qui me séparent encore du père (dès 18h je passe appels sur appels de manière frénétique, hurlant de mon ton le plus calme OU ES-TU? QUAND RAMENES-TU TA G***?. Car oui bien sûr, il y a une autre certitude pour réussir ce cauchemar éveillé, c'est l'absence du père. Le père, cette figure d'autorité, travaille. Lui. Il a des réunions/des courses/une maîtresse (votre 5 à 7 n'exclut en rien le sien)/d'autres priorités. Et bien sûr lorsqu'il rentrera et vous trouvera à moitié échevelée, l'oeil hagard, répétant un discours incohérent au sujet de coquillettes, il ne comprendra pas. Ce qu'il verra? Les regards heureux de ses enfants. Il les prendra dans ses bras, les embrassera et hop! "Tu vois, il suffit de ne pas s'énerver...".

Il a des solutions pour survivre! Mais oui bien sûr! La première étant de ne pas se demander 6 secondes avant l'heure fatidique du repas quoi préparer à manger (tout de même, je ne nourris pas mon Elfe exclusivement à la coquillettes-jambon). C'est un point sur lequel j'ai plutôt tendance à échouer lamentablement. Il faut bien que mon organisation psycho-rigide ait une faille. En cas de tragédie, j'ai entendu dire par une mère qu'elle avait finalement mis sa fille au jardin "pour qu'elle prenne l'air" (quel spectacle pour le reste de la fratrie!). Attention hein, pas côté rue ni en hiver sinon les voisins pourrait vous dénoncer aux services sociaux (ha!). Je connais une autre mère qui a finalement compris que rentrer vite c'était accélérer le processus donc maintenant elle traîne/fait les courses. C'est parfois coûteux en chaussures (pas à l'usure mais à l'achat évidemment). Sinon il reste les sms de survie (pour ça il faut se trouver une mom-friend et se tenir informée de nos succès respectifs à chaque 15 minutes écoulées). Il y a bien sûr la nounou. Beaucoup plus coûteux encore que les magasins et finalement à vaincre sans péril on triomphe sans gloire (j'adore cette citation, je la placerais bien toutes les trois lignes). La plus simple mais très extrême est simplement de ne pas faire d'enfants. Ou d'être un père.

Que les foules se rassurent, c'est trop de la balle la vie de famille, c'est juste que durant ces deux heures là le bonheur peut être difficile à percevoir ou à comprendre. Venez à 20h, les enfants sont couchés (ils sont toujours très beaux à ce moment là) et les parents sifflent l'apéro -  nécessairement alcoolisé - de manière très décontractée. Et pour les très angoissés, oui bien sûr que j'aime mes enfants. J'ai même eu la chance de ne pas faire partie de ces mères qui doivent faire face aux pleurs de coliques et aux "décharges" du stress de la journée (enfin ça un peu mais si peu). Tous les retours scolaires (ou même les 5 à 7 du week-end) ne sont pas un enfer. Mes filles sont des charmes et le babillage de mon aînée dans le tram fait sourire nombres de mes co-voyageurs. Bien sûr que le "drame" peut aussi prendre sa source dans mon humeur et ma fatigue. Mais que serait le monde si l'on ne pouvait blâmer les autres pour ses propres soucis. Pour ma défense, déjà avant d'avoir des enfants je n'aimais pas ces heures. Entre chiens et loups. Il y a quelque chose dans l'atmosphère de presque mélancolique. Entre une joie intense et une tristesse rêveuse. Sauf que maintenant il n'est plus question de se la jouer madame Bovary, tout en langueur et grosse paresse. En avant marche, le sein, les dessins animées, les jeux de sociétés, les bains, les drames, les coquillettes, les carnets d'avis, les bobos, les questions existentielles, les câlins. Car oui, au milieu de ce chaos arrive souvent cette douce phrase: "un câlin maman".

Courage. 2 heures. 120 minutes. 3600 secondes.

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