lundi 19 mars 2012

Comment se dire adieu


Perdre un être cher n'est jamais facile. Un coeur pleure l'absent pour mille et une raisons, étonnantes et surprenantes, que seul le jour du véritable chagrin pourra révéler. Se préparer, savoir l'inévitable ne change rien à la peine que l'on ressent ni à la force de celle-ci. J'ai pleuré il y a quelques semaines un homme grand que j'avais pour habitude d'appeler Bon-papa.
Ce grand-père que je ne pensais qu'à nous - sa famille - m'a surpris au-delà de sa mort. Au travers des hommages rendus, fussent-ils académiques, engagés ou familiaux, une même esquisse. Celle d'un homme qui aimait sa famille, qui était fier de nous et qui a transmis à tous de véritables valeurs. Un homme qui était aimé par d'autres aussi, beaucoup d'autres. L'émotion et la chaleur des paroles de ce jour m'ont profondément touchées. Elles m'ont apaisée. J'ai découvert par les échos du monde la profondeur de son être et de ses convictions dont je n'avais étrangement entrevu qu'une partie (sa leçon d'humilité sans doute). Et j'ai aussi (re)découvert mon héritage, la lignée dans laquelle je m'inscris. Je n'ai pas su tout comprendre lorsqu'il était là. C'était mon grand-père après tout, ni un professeur, ni un Docteur, ni un maître. Mais je n'ai aucun regret. Ce qu'il devait transmettre l'a été, par son tendre et discret accompagnement. Par ses leçons parfois agaçantes mais qui ont porté leurs fruits. Et par mon propre père. Ainsi va la vie, de génération en génération. Depuis le départ de mon grand-père il faut se reconstruire, chacun reprendre sa place, s'en faire une nouvelle, avec l'absence et tout ce qu'elle nous rappelle. Cette perte de fin d'hiver entame son lent travail de  deuil avec l'arrivée du printemps. Le chagrin se fait doux amer. On rit plus souvent, on chérit ce lien qu'on ne savait pas si fort, on partage des petites histoires comiques, on ressent la joie de passer du temps avec sa grand-mère et de la voir si bien. On parle de l'enfant à venir. Les absents nous rapprochent, sans doute un dernier cadeau pour la route. La vie continue.

Mon grand-père a écrit "creuser la terre, trouver les hommes" (ou était-ce "creusez la terre, trouvez les hommes"?). Un humanisme à toute épreuve dont on ne peut faire l'économie. Merci, je ne l'oublierai pas. C'est cet homme là dont je veux me souvenir, c'est cet homme là qui est mon grand-père, c'est cet homme là qui, durant ma vie et avec sa mort, m'a renvoyée à ce que je suis et ce que je peux encore choisir d'être.