vendredi 25 novembre 2011

Prise de risque



© photo Thierry Bingen - voyage en Palestine, novembre 2011.
...Now the sweet veils of mercy
drift through the evening trees
Young men on the corner
like scattered leaves
The boarded up windows
The hustlers and thieves
While my brother's down on his knees
My city of ruins
Come on rise up!
(Bruce Springsteen)


La première chose qui me vient à l'esprit en pensant au conflit Israëlo-Palestinien c'est qu'il est difficile d'en parler. Et que c'est le sujet qui va vous plomber une soirée (croyez moi, même entre amis, à moins que ces mêmes amis partagent presque inconditionnellement votre point de vue). La réponse la plus courante lorsque le sujet se profile est "tu sais c'est un sujet très complexe et je ne maîtrise pas toute l'histoire et les enjeux". Bouhou! C'est un sujet qui fait peur parce qu'il faut parler des juifs et des arabes. Des mots qui font peur parce qu'ils sont connotés, chargés de sens ou d'émotions. Et que la terreur d'être désigné comme antisémite nous fait taire (on se demande bien à quel titre d'ailleurs mais avouons le tout de même, en ces temps d'amalgame...).
Haut les coeurs! Il est temps de mettre des mots sans en avoir peur. Il est temps de parler. Comme beaucoup il est vrai que je n'ai pas une perception pointue du conflit sur le fond historique, je n'ai pas potassé des milliers de livres sur la question, je n'étais pas née en 1948, je ne suis ni juive, ni Israëlienne, ni arabe, ni Palestinienne. Mais je suis humaine, avec un fond d'humanité en moi (ce à quoi tous les humains ne peuvent prétendre...). Et à ce titre je suis en droit de parler des droits humains et de leurs bafouements. J'ai le droit de ne pas accepter de me taire face à l'Histoire qu'il faut respecter. L'histoire c'est l'affaire de tous et elle ne se conjugue pas qu'au passé. Aujourd'hui en Palestine il y a des personnes qui vivent dans un état de guerre. Certains l'ont choisi, d'autres pas. Certains boivent du champagne au bord de la plage, d'autres sont privés d'eau. Certains sont modérés, d'autres moins, il y a même des extrémistes. Il y a même des colons en territoire Palestinien. Oui. Ces colonies sont des violations systématiques des droits humains et ne peuvent pas vous laisser indifférents. Oui. Mais je suis en colère plus globalement sur la négation de la souffrance engendrée par cet état de fait dans lequel grandissent aujourd'hui des enfants dont on ne pourra rien attendre d'autre que de la colère et des représailles violentes si le déni persiste. Je ne peux croire que les enfants de Gaza, évoluant depuis leur naissance dans un état traumatique, puissent plier sous le poids de l'oppression sans révolte. Il y a pourtant - il faut le souligner- en Israël, et partout dans le monde, des personnes de bonnes volontés, de toutes les communautés, qui travaillent à un processus de paix. Plus ou moins loin des grands de ce monde, qui manifestement ont des priorités toutes particulières en terme de paix, il y a des travailleurs sociaux, des idéalistes, de fervents humanistes qui désirent ardemment cette paix, cette reconnaissance de l'autre dans sa richesse. Pendant ce temps là il y en a d'autres qui persistent et signent dans l'ignorance. Ces autres érigent des murs, humilient des hommes et des femmes, colonisent, privent d'eau et de logements des familles, détruisent un héritage. Ces autres attisent la haine et tentent de nier les droits, même l'existence, de ceux qui sont leurs frères. Sans doute ne peuvent-ils se reconnaître dans ce lien, trop acharnés à le détruire. Parler du conflit Israëlo-Palestinien ce n'est pas que parler d'histoire millénaire ni de celui qui était là avant l'autre (sinon peu de pays ou de peuples pourrait aujourd'hui s'arroger le droit de leur terre). Parler de ce conflit c'est avant tout parler d'un Etat de souffrance. La souffrance de ceux privés de beaucoup ou de tout, surtout privés de leur dignité. La souffrance aussi d'un groupe de personnes qui en opprime d'autres. Au nom de sa propre histoire? Ce serait le paradoxe absolu. Si la 2ème guerre mondiale devrait nous avoir appris une leçon c'est que la barbarie la plus absolue est possible et qu'il est de notre devoir de ne pas la laisser se reproduire. Le drame de la 2ème guerre mondiale n'appartient pas à une et une seule communauté parce que ce drame est de la responsabilité de tous. Et aujourd'hui il en va de même quant à cette responsabilité - commune - de refuser le déni d'un peuple par un autre. Au passage nous noterons, par une petite digression, le Tibet oublié qui devrait faire l'objet d'une chronique à lui tout seul. En termes de négation de la culture, de la religion, des croyances et des traditions de l'autre, il y a là un grand gagnant! Mais bon, le Tibet, c'est vraiment très loin de chez nous, très haut et les enjeux économiques y sont mineurs pour le moment. En plus ils sont non violents... Passons. Revenons à la prise de risque du jour. Moi ça ne me gêne pas de dire que les colons sont des irresponsables, des criminels, qui vont au devant de problèmes et qui n'obtiendront aucune compassion de ma part. Mais dans ma grande bonté (dont ils se contre foutent royalement) je me désole secrètement pour eux et tout ce qu'ils manquent en refusant d'être ouverts à l'autre. Tout ce qu'ils détruisent aussi. Alors, j'ai tort de parler du conflit Israëlo-Palestinien parce que je ne suis pas une spécialiste de la "question"? De parler d'une histoire d'hommes guidés par des peurs et par de l'ignorance? C'est finalement l'histoire de tous les conflits. Celui-ci n'est pas différent des autres. Refuser d'en parler c'est rejoindre le camp de l'ignorance et de la peur. Il y a d'autres chemins possibles. La paix est l'affaire de tous.

Pour ceux qui dansent d'un pied sur l'autre, hésitant encore à prendre une position, à ce sujet mais sur d'autres aussi, à s'engager dans la voix de l'opinion (la mienne ou une autre, je ne suis pas sectaire), je ne peux que vous inviter à lire Stéphane Hessel et pourquoi pas "Indignez-vous"...



mercredi 16 novembre 2011

Le coeur flingué

©Chloé Bingen
Aujourd'hui j'ai fermé les yeux sur un enfant. Pas le mien. Un de mes "dossiers" comme on les appelle. Un dossier parmi des milliers, une petite fille parmi beaucoup d'autres. J'ai fermé les yeux parce que je n'ai pas pu aller plus loin. Il n'y a pas de croustillant à lire ici (si tu cherches des faits divers spectaculaires lecteur, il y a toujours RTL ou 7 sur7). C'est juste une triste histoire, d'une maman sans papiers et de sa petite fille dont elle est séparée. Une petite fille qui souffre parce qu'il a fallut la protéger et qu'il n'y avait pas de place pour sa maman. Parce que cette petite fille elle a un toit mais pas sa mère. Il y en a beaucoup de ces enfants arrachés à leurs parents faute de solutions pour tous. C'est une histoire banale celle des familles éclatées. Je n'ai pas pu aller plus loin et je me fiche des raisons bonnes et mauvaises. Tout ce que j'ai entendu c'est qu'une nuit de plus cette enfant serait séparée de sa mère et qu'elle a mal. Qu'au nom de l'aide matérielle que je lui apporte, je la prive de l'affection qu'elle réclame à corps et à cris. Qu'elle serait sans doute bien plus sereine dans les bras de sa mère mais que ces bras ne la protégeront pas du froid quand elles seront sous un pont la nuit. Il n'y a pas de solution idéale. Ni pour elles, ni pour moi.
J'en ai des masses des histoires d'enfants a raconter. Des histoires les plus moches aux plus pathétiques, parfois comiques. Au boulot je mets mon costume et j'installe (j'aimerais dire le plus naturellement du monde) cette distance qui fait de moi la professionnelle que je suis. Et puis parfois il y a une histoire qui vous tombe sur le coin de la gueule sans crier gare. On est humain après tout. Je pourrais me lancer dans une litanie sans fin contre les politiques qui ont toujours d'autres priorités, contre les politiques toujours plus répressives et toujours plus cruelles, contre l'aveuglement de la société qui est toujours derrière le mauvais méchant et l'écroulement de cette même société dans laquelle certains paient un prix très lourd. Sur la saturation du système. Je pourrais me dire et redire qu'on ne peut sauver tout le monde, qu'il y en a des milliers qui souffrent et dont j'ignore tout, que cette histoire n'est pas si grave et que je ne suis pas responsable. Je pourrais oui, mais demain alors. Ce soir je me sens abattue, le coeur flingué par cette enfant. Ni guimauve ni sentimentalisme ni apitoiement. Cette petite fille a l'âge de la mienne et la juste distance m'a fait défaut. Aujourd'hui je suis rentrée chez moi retrouver un homme qui m'aime et qui m'accompagne même quand j'ai le coeur flingué. Je suis rentrée chez moi pour retrouver ma fille que j'ai mise au lit après l'avoir serrée tout contre moi et lui avoir dit combien elle était merveilleuse. Je suis rentrée chez moi me faire couler un bain chaud pour oublier la misère qui m'entoure. Je ne dors pas dans la rue, je ne suis pas séparée de ceux que j'aime, j'ai des amis sur les épaules de qui je peux pleurer sur le malheur des autres. Note à moi-même: tu as de la chance, ne l'oublies pas.

lundi 14 novembre 2011

Le soleil blanc

©photo Barbara Nankman

Ce qui est bien avec les saisons c'est quand il y en a. Quel bonheur hier matin de regarder par la fenêtre et d'apercevoir le ciel embrumé. La couleur disait tout: frais, un peu piquant, une odeur de feuilles qui tombent. Une odeur qui donne envie de faire un feu dans la cheminée. Hier donc cher lecteur, après avoir rêvassé de l'autre côté de ma fenêtre sur cette saison qui n'en finissait plus d'arriver, je suis passée de l'autre côté de ma porte (ben oui pas du côté obscur) pour partir en campagne (tu seras impressionné lecteur parce comme tu ne le sais peut-être pas je n'aime pas la campagne). Sur la route de la province les arbres découpaient leurs silhouettes dans la brume, entre encre de chine et papier de soie. C'était doux et beau, très apaisant. Comme je montrais le soleil éthéré habillé d'un voile à mon elfe, elle me répondit "c'est la lune maman". Non non, c'est bien le soleil ma belle enfant (et qu'il est encore trop tôt pour la lune qui fait encore dodo...). Petit silence dubitatif et une analyse de la situation plus tard, elle me répond candide "c'est le soleil blanc maman". Oui mon ange, c'est le soleil blanc.
C'est à mon tour de garder le silence et de regarder avec les yeux de ma fille ce paysage que je trouvais joli il y a un instant et que je trouve maintenant magique par sa poésie. Je me rappelle que j'aime les saisons et la magie du changement qu'elles nous imposent. Le nouveau regard à poser. Et je me dis que je n'ai pas envie de me plaindre du froid ou de la brume, ni de l'humidité qui tombe avec les feuilles. J'ai passé un délicieux après-midi et sur la route du retour c'était bien la lune qui brillait dans le ciel. Mais mon elfe ne l'a pas vue, elle dormait d'un sommeil paisible, un petit ronflement au coin du nez. Ce soir c'est au coin du feu que j'écris, me réjouissant de pouvoir utiliser mon poêle à bois. Et last but not least, pour paraphraser une amie: "quel est le sens d'avoir des collections si les saisons ne vont pas avec?". Alors je me suis aussi réjouie ce matin de pouvoir mettre mon nouveau manteau très classy. Vivement le bonnet et les gants assortis! C'est chouette les saisons.

samedi 12 novembre 2011

Première fournée

©Chloé Bingen
Penser un projet c'est bien, le réaliser parfois c'est encore mieux. Depuis longtemps je cherchais un endroit où déposer ces petites idées qui fourmillent dans la tête (et faire d'énormes économies dans ma facture téléphone). Un peu lente parfois, certes j'en conviens, il m'aura fallut la lecture de nombreux blogs (durant des mois, voire des années) avant que "OMG, je peux aussi faire ça moi - YES I CAN!". Bon ça c'est dit. Une semaine de congé maladie à ruminer au fond de mon lit et un samedi matin à contempler la créativité de mon elfe (aka Lola ma fille) et hop me voilà sur la toile. On peut faire ça comme ça. Hop, un samedi matin en regardant son salon tel un champ de bataille, me rappelant étrangement... le menu déroulant d'un blog (si si lecteur, plisse les yeux, tourne ta tête de droite à gauche et tu le verra aussi).
Un blog, hum. Une sorte de Facebook privatif, avec invités triés sur le volet (oui oui lecteur, si tu lis ceci sache que tu fais partie du cercle très fermé des adeptes de frais du jour). J'imagine de suite ma grand-mère me disant "oui mais ça sert à quoi ?". Ben a rien justement. C'est l'objet virtuel de notre génération. Un miroir à qui parler, qui espère-t-on pourra nous renvoyer notre créativité, assortie de quelques compliments. C'est un psy mais sans rendez-vous, gratuit, qui ne vous répondra pas avec une question. C'est l'ami à qui parler tard dans la nuit qu'on ne devra pas réveiller. C'est le lieu où se montrer fort de ses convictions sans avoir à en rougir (et même si, personne n'est là pour le voir). C'est la définition même de notre génération, l'exhibition invisible, le partage à tout prix sans avoir à rencontrer l'autre. Pffffff me diras-tu cher lecteur... C'est aussi pour moi l'occasion de partager avec tous les échanges que j'ai pu avoir avec chacun (si si lecteur, tu te reconnaîtra parfois) et d'enrichir ces réflexions en les mondialisant (oui heu... la modestie ne fait pas partie de mon avatar virtuel). 

Enfin je dédicace cette première fournée à une amie très chère, coincée dans sa chambre à attendre l'arrivée de son bébé et qui bientôt aura fait le tour de FB et des séries en streaming.